« Qui n’a jamais entendu ces discussions de touristes las sur la fainéantise légendaire de l’Homme du Sud ? Dans ce « là-bas » imaginé et exotisé, le rythme serait, parait-il, différent. Comprendre « lent ». D’où la pauvreté. Construction d’une grande logique reposant sur des fondements pourtant bien friables. L’inertie des idéologies coloniales. On n’arrête pas sur place une caravelle aussi chargée de fausses vérités et de justifications idéologiques de la domination économique et culturelle.
Le sommeil du Nord est-il si différent du sommeil du Sud ? Cet homme assoupi dans le métro parisien ressemble en bien des points à nos dormeurs du Sud. Il nous rappelle que les frontières entre ces deux espaces sont de plus en plus floues. Que le Sud doit de plus en plus travailler au Nord pour compenser les prédations dont il est la victime. Pour les migrants qui dynamisent les économies et les cultures moribondes du Nord, cette inconscience ne semble pas différente. Elle est faite d’horaires décalés, de multi-activité et de cadences frénétiques. (…) »
Romain Cruse
Extrait de la préface du livre Inconscience, 2011.