Par Jérôme Cotinet-Alphaize
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Tiéri Rivière | De quelques « momentalités »…
2024
Tiéri Rivière est un multi-instrumentiste, comme une grande partie des artistes contemporain·e·x·s de sa génération, aussi nous devons, pour saisir son travail et ses expérimentations, réussir à appréhender son « horizon d’attente », ou l’endroit du « commun » réunissant l’ensemble de ses actions, constructions, gestes, dessins depuis plus d’une dizaine d’années. Cependant, avant de savoir si le Colonel Moutarde est bien dans la chambre jaune… il va falloir remonter le fil.
En ce moment
Focus - Kid Kréol & Boogie
Œuvre dans l'espace public
- Réseau dda
Gouesnou
le 23/11/2023
Dans le cadre de EXTRA, programme de résidence de création artistique dans l’espace public mené par Passerelle Centre d’art contemporain, Brest et la Ville de Gouesnou, le duo réunionnais Kid Kréol & Boogie a été invité en août 2023 pour réaliser des fresques urbaines originales.
Bientôt
- ddaR
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actualité des artistes
L'art d'habiter comme on fait son nid
Exposition collective, Bibliothèque universitaire Droit-Lettres, Saint-Denis La Réunion, du 28/08/2023 au 19/07/2024, Stéphane Kenkle, Tatiana Patchama
Zistoir fonn lunivèr - Cosmologie de l'intime
Exposition personnelle, Bibliothèque universitaire du Tampon, La Réunion, du 11/09/2023 au 19/07/2024, Esther Hoareau
Zièt dann fénoir
Exposition collective, Villa de la Région / Cité des arts, Saint-Denis La Réunion, du 28/10/2023 au 01/06/2024, Chloé Robert
Astèr Atèrla
Exposition collective, La Friche la belle de mai, Marseille, du 03/02/2024 au 02/06/2024, Abel Techer, Alice Aucuit, Brandon Gercara, Chloé Robert, Cristof Dènmont, Esther Hoareau, Jean-Claude Jolet, Kako, Kid Kreol & Boogie, Mounir Allaoui, Stéphane Kenkle, Stéphanie Hoareau, Tatiana Patchama, Tiéri Rivière
Artistes & Paysans, battre la campagne
Exposition collective, Les Abattoirs Musée - FRAC Occitanie, Toulouse, du 01/03/2024 au 25/08/2024, Kako, Pascal Rivet, Stéphane Kenkle
Le printemps des Augustines
Exposition collective, La Galerie des Augustines, Marseille, du 23/03/2024 au 25/05/2024, Alice Aucuit, Cristof Dènmont
Agir dans son lieu - Locquémeau
Exposition collective, Galerie du Dourven / Coopérative du port, Trédrez-Locquémeau, du 30/03/2024 au 30/06/2024, Kako, Pascal Rivet, Stéphane Kenkle
en bref
Soleïman Badat
MÀJ. 25.09.2023
Né⋅e en 1974
Vit et travaille à Saint-Denis, La Réunion
Les compositions plastiques de Soleïman Badat sont élastiques et modulables. Son dessin et sa peinture usent de l’humour noir quand son travail photo ou vidéo se rapproche d’une posture documentaire, portant un regard critique sur ce qui fait événement et impacte notre lecture du monde.
Ses recherches expérimentales font naître une multitude de matières premières à partir desquelles l’artiste fouille, compose et mixe jusqu’à engendrer des « glitchs » - sortes de parasites infiltrant le son et l’image pour venir faire « crisser » l’information - faisant ainsi jaillir, par la substance même, des sujets polémiques et grinçants.
En balance entre un certain optimisme rêveur et contemplatif et une conscience réaliste et brutale de son environnement naturel, sociétal, économique et politique, les œuvres de Soleïman Badat basculent sans cesse entre des formes résilientes et chaotiques, enchantées et dégénérescentes, et appellent en creux à une forme de révolte.
Leïla Quillacq, 2020
Tiéri Rivière
MÀJ. 02.12.2021
Né⋅e en 1981
Vit et travaille à La Réunion
Si Tiéri Rivière n’a pas de médium de prédilection et navigue aisément entre vidéo, installation, dessin et volume, son travail est traversé par un attachement à la notion d’équilibre, dont la recherche est expérimentée dans des pièces qui mettent en jeu des tensions, des potentialités de chute. En matérialisant l’attente d’une situation qui se produira, ou ne se produira pas, l’artiste joue avec le temps et ses effets sur la réception du spectateur. La variable temporelle participe à la démarche de création tantôt dans l’idée de suspension, tantôt dans l’idée de répétition. C’est le cas notamment dans ses vidéos, toutes répondant au même principe de production: de courts plans séquences qui passent en boucle, donnant à voir une situation simple et souvent drôle. Cela ajoute une tonalité burlesque à l’œuvre, qui est présente en filigrane dans l’ensemble du travail. Les objets ont une place centrale dans la pratique de Tiéri Rivière. Beaucoup de travaux présentent l’artiste se mettant en scène dans un jeu physique avec un objet. Il s’agit d’objets simples: une bassine, un parpaing, une feuille de tôle ondulée qui constituent un vocabulaire plastique ludique et intuitif, augmentant avec le temps. Les œuvres de Tiéri Rivière se caractérisent par une économie de moyens et une précision dans la réalisation. Ce mode opératoire se retrouve dans ses volumes résultant d’un bricolage simple et efficace ou d’un assemblage minutieux (Voyaz, Radeau, Bureau…), ainsi que dans ses dessins dans lesquels les vides ont un rôle plastique, ils se dégagent du support, laissant planer une tension graphique: la figure naît-elle de la surface vierge ou va-t-elle se diluer dans celle-ci?
Céline Bonniol, 2020.
Myriam Omar Awadi
Né⋅e en 1983
Vit et travaille à La Réunion
-
La Box : 60 rue Auguste-Lacaussade, 97430, Le Tampon, La Réunion
Broder, faire et défaire, comme ne rien faire, sont des sortes de « non-actes » ou de « contre-actes » composant l’œuvre de Myriam Omar Awadi. Par l’écriture, le dessin, l’image ou la performance, l’artiste tisse la trame de romances ordinaires « dont il ne reste finalement que les fioritures ». Esthétique de la broderie, les (IN)ACTES ou Paroles Paroles sont des corpus d’œuvres conçus comme des laboratoires de recherche et de création dans lesquels le langage mais aussi les silences, les corps et les absences deviennent matières plastiques et sujets de potentiels récits. Dévidant le fil de ce qui résiste dans le geste, l’objet ou la représentation, un motif apparaît en toile de fond : la fleur bleue, comme l’éloge du rien, le symbole d’un désir larvé. Celle-ci laisse peu à peu la place au sequin, réfléchissant la lumière dans l’espace déserté et ornant la nuit pour la faire briller. L’œuvre de Myriam Omar Awadi interroge ainsi les manières d’habiter les vides et de démonter le spectacle, de faire choir ce qui fascine pour revenir à ce qui mord, et d’attaquer le monde… par une chanson d’amour.
Leïla Quillacq, extrait de texte et entretien avec l’artiste, pour documents d’artistes La Réunion, 2020.
Tatiana Patchama
MÀJ. 07.03.2024
Né⋅e en 1982
Vit et travaille à La Réunion
« L’œuvre de Tatiana Patchama est un immense jardin où faune et flore s’entrelacent, se mélangent et finissent par se confondre. Son approche philosophique et scientifique de la nature conduit l’artiste à porter une attention particulière à l’organisation de la vie au-delà du monde humain et sur la manière dont les animaux et les végétaux interagissent avec leur environnement. C’est à partir du prisme de l’oiseau que cette jeune créatrice situe son regard. En s’inspirant du travail de recherche de la philosophe Vinciane Despret pour qui l’habiter métamorphose l’agencement de l’être et de l’espace, et empruntant l’idée que le territoire n’est pas une question spatiale mais bien un « espace intensément vécu », Tatiana redéfinit avec beaucoup de subtilité et de finesse ce que peut être le territoire dans l’expression de sa dimension sensible et poétique. Dans un jeu de contrepoints et de points de vue, entre ce qui est visible et ce qui est invisible, l’artiste nous invite à déployer nos ailes au-delà du ciel et à entrer en territoire oiseau. »
Cathy Cancade
Anne Fontaine
MÀJ. 02.11.2021
Né⋅e en 1983
Vit et travaille à La Réunion
Anne Fontaine se sert du jardin à l’état sauvage comme d’un terrain d’observation et de recherches sociologiques et graphiques. À l’intérieur d’une zone circonscrite, elle collecte des plantes et les classifie à la manière d’un herbier. Cette cueillette méthodique traduit et accompagne le cheminement de sa réflexion et de ses questionnements sur les mouvements de populations humaines et sur les conditions du vivre ensemble. Elle utilise ensuite le dessin, la photographie, la peinture ou le papier peint comme médiums traduisant ses étapes de recherche et ses trouvailles. Au final, ses pièces deviennent des théorèmes graphiques et poétiques sur le monde du vivant. Anne Fontaine ne met pas sa technique au service d’une démonstration efficace et habile de ce qu’elle observe. Elle emploie un langage sensible, intuitif, en équilibre entre ce qui nous est inconnu et ce à quoi l’on peut se référer. Ses créations sont des hypothèses et ne cherchent pas à convaincre mais à interroger, à nous faire composer avec ce que l’on a sous les yeux. On entre dans son œuvre par sa beauté, d’une facture tenue, précise et construite, et, par effet miroir, notre parcours de sensations et de pensées épouse les contours de ce travail fin et exigeant.
Marie Birot, 2020.
Migline Paroumanou
MÀJ. 07.08.2023
Né⋅e en 1974
Vit et travaille à La Réunion
Migline Paroumanou est de ces artistes résistant·es au désenchantement d’un monde matérialiste et consumériste, sécularisé et globalisé, en entretenant une relation particulière aux mondes autres, au sensible et au sacré. Son art s’invente dans un paysage de croyances bouleversées, qui continuent de participer à l’invention de nouvelles formes. De ses gestes à elle émane quelque chose de l’ordre du rituel, à la faveur de formes plastiques aussi bien symboliques qu’intuitives. Sculptées en céramique et porcelaine, elles sont emplies de spiritualités, comme pour survivre à notre condition d’êtres limités et périssables. Son travail est à la fois phénoménologique – c’est à dire traversé par l’expérience vécue, tout en tentant de donner forme aux phénomènes manifestant l’invisible - et emprunt de philosophies orientales et hindouistes dont les différentes figures et les cultes incarnent une même expression d’un au-delà divin et ultime. (…)
La pratique de Migline Paroumanou veut donc interroger la manière dont l’art continue de témoigner d’un au-delà de l’ordinaire des choses, d’une nécessité irrépressible de distanciation, d’abstraction et d’élévation.
Leïla Quillacq
Extrait d’un texte à paraître prochainement.
Kid Kréol & Boogie
MÀJ. 04.04.2023
1984 et 1983.
Vivent et travaillent à La Réunion
Ce qui travaille, ce n’est pas Boogie, ni Kid, c’est l’esperluette, l’& entre Kid&Boogie. On croirait à peu : et, èk, and, mais c’est elle qui grandit et envahit la scène de la signature, comme un logogramme familièrement étranger, un elohim, à la source du mot hébreu : « celui-qui-est-plusieurs », ou, comme le propose André Chouraqui, « celui-qui-sont ». Ainsi, celui-qui-sont Kid&Boogie pratique un art qui emprunte, en apparence, ses codes à la culture populaire contemporaine : science-fiction, fantasy, bande dessinée, personnages récurrents du street art, équivalant à une signature : sinon que ceux qui signent ici, ce ne sont pas les artistes, ni leur pseudonyme, mais bien les âmes errantes et intimes qui hantent les rues, les ancêtres rêvés qui provoquent leurs rituels plastiques au coin d’un mur — n’ayons l’air de rien. Et de même, cette texture de l’art populaire à l’ère mondialisée se trouve redoublée, et comme démasquée par une charge symbolique, un rituel, un poids invisible, une inquiétude des signes et des présences.
Nicolas Gérodou, Celui-qui-sont, 2023.
Chloé Robert
MÀJ. 03.12.2021
C’est un singe qui ne court pas avec ses pieds et ses mains mais avec son énergie vitale, avec la mémoire vive de sa préhistoire. Chloé Robert l’a fait apparaître à coups de griffes. C’est pour cela que l’on sent, en creux, une lame sombre traverser son travail. C’est un monde perdu qui s’ébroue sur le papier. Son geste surgit sans préambule, il n’a pas le temps pour la politesse. Ce faisant, Chloé Robert dépouille sa pratique des enseignements académiques et de leurs codes. Elle procède en cherchant le chemin de sa propre source, sans attendre la validation de l’intellect. L’acte de dessiner, qui prévaut chez elle, prend toujours appui sur le premier trait qui lui sort des doigts car s’il est arrivé là, c’est qu’il est nécessaire, comme le sont les animaux et ce que l’on appelle la Nature. Les figures qui apparaissent dans ses dessins le font le plus souvent face public. On se sent réellement regardés, interpellés, comme face à cet homme-salade à la langue pendante et au regard franc. Il vit dans une dimension propre à lui, à son espèce. Ce qui, mécaniquement, nous renvoie à notre propre endroit, individuel et collectif, à notre façon d’être un humain au monde. Un autre être végétal nous offre un regard, qui, quant à lui, est mélancolique. Il semble déçu des promesses non-tenues de l’existence. La Nature lui manque, la vraie, la pure, l’idéale, et il fixe le gouffre de cet impossible retour. « Mais tout cela, c’est juste un rêve » dit Chloé Robert.
Marie Birot, 2021.
Abel Techer
MÀJ. 09.12.2021
Représenté⋅e par Maëlle Galerie, Paris
« L’autoportrait est cette étrange manière de devenir autre. »
Au côté d’une pratique qui aborde dessin, sculpture, photographie, vidéo et installation, Abel Techer montre principalement de la peinture (…). L’aspect quasiment religieux des mises en scène dans lesquelles persiste le profane du quotidien, les références nombreuses à la peinture d’église, participe de la peinture intime d’une société créole traversée par l’ambiguïté des croyances, la porosité toujours possible des espaces, la métamorphose toujours possible des corps. Une peinture où cohabitent le sublime de la transfiguration, le trivial du corps quotidien et des objets, le sacré et l’obscène, l’étrangeté queer (« Les propriétés malléables du genre »*), le réalisme et le fantastique, l’imaginaire du rêve. Abel Techer nous offre ainsi au fil des toiles, le journal très contemporain de ses transformations (…) Des liaisons souterraines ne cessent de relier sa peinture à de plus vastes contrées, irriguées par l’inconscient vivace des sociétés créoles. La succession des toiles compose alors une sorte de roman d’apprentissage au cours duquel le corps du peintre se modifie sans cesse, et, d’une toile à l’autre, s’approche, au sens biblique sinon magique du terme, d’une possible transfiguration.
Pierre-Louis Rivière, 2020.
*Un trouble dans le genre, Judith Butler, Éditions La Découverte, 2005.
KMVH
MÀJ. 19.11.2021
Jeune artiste protéiforme, KMVH aime travailler ce qui dans les liens - les rapports à soi, à l’autre, à l’espace et au monde - coince, bredouille ou fait obstacle, se confond, se contourne ou s’affronte, chute et se redresse, traverse et agit. L’artiste développe ainsi une œuvre photographique et vidéo-performative dans laquelle elle se met d’abord en jeu, comme à déjouer les intrigues d’une mythologie personnelle en proie à l’exil. Se pose en creux la question des repères légués, érigés ou démolis, à partir desquels nous nous construisons. C’est ce qui touche à l’identité : d’où agissons-nous, quelle place nous faisons-nous ailleurs ? L’œuvre de KMVH veut ainsi mettre en lumière des parcours divers, intimes ou collectifs, parfois cabossés mais toujours résistants, en quête d’espaces, d’êtres ou de mots perdus, cachés sous les valises, interdits ou attendus, transpirés par les mains ou criés par les yeux, et retrouvant place ici, dans l’œuvre agissante, en quête de transmission.
Leïla Quillacq, 2020.
Guillaume Lebourg
« Mon principal centre d’intérêt, c’est l’humain et les stratégies qu’il met en place pour être au monde, les subterfuges pour s’adapter, vivre et survivre. Je navigue entre dessin, sculpture, installation, couture et broderie et j’utilise le médium le plus pertinent pour exprimer ce que j’ai à dire. Mes travaux sont influencés par l’environnement dans lequel je me trouve et ancrés dans l’expérimentation. Je m’attache en général à produire des décalages dans la représentation. Par exemple, les aquarelles de la série Poétique territoriale sont des paysages du territoire réunionnais, éloignés d’une représentation traditionnelle paradisiaque et exotique. On y voit l’influence visible de la présence de l’homme, la façon dont il aménage et transforme son territoire. Le corpus intitulé “ Tentative d’amélioration de ma condition psychique et économique ” explore d’autres types de stratégies possibles. »
Guillaume Lebourg
Brandon Gercara
MÀJ. 25.10.2022
Né⋅e en 1996
Vit et travaille à La Réunion
-
FRAC Réunion 6, allée des Flamboyants, 97436 Piton Saint-Leu
« Brandon Gercara pense et fabrique des espaces politiques où les contre-pouvoirs peuvent exister et prendre forme. D’une chanson de Mariah Carey à un espace festif, en passant par une campagne électorale, ielle infuse les problématiques de genre, de féminisme décolonial, d’intersectionnalité ou de créolisation par le biais d’évènements issus de la culture populaire. Ces évènements non autoritaires sont ouverts à toustes. Parce qu’ils appartiennent à un langage commun, ces évènements annulent les questions de la légitimité et de l’accès. Par le chant, la danse, la rencontre autour d’une table, un verre à la main, des paillettes et des ballons dorés, Brandon Gercara génère une œuvre protéiforme envisagée comme un territoire hospitalier où le champ théorique et plastique trouve une entrée dans la fabrication d’un nouvel imaginaire collectif : queerisé, créolisé et décolonisé. »
Extrait de « Corps d’à côté » de Julie Crenn, 2019
Pascale Simont
MÀJ. 07.12.2021
Un combat incessant entre primitif et culturel, intérieur - extérieur se joue sur les corps endormis de Pascale Simont, fuyants dans la rêverie ou crispés par la sidération. La figure revient sans cesse dans l’œuvre de l’artiste comme une intériorisation et une mise en chair de ses échappées abstraites récurrentes, expressions des émotions profondes. Frontière ténue entre ce qui est et ce qui doit être, les corps tuméfiés semblent ainsi pris entre deux feux, celui de l’être social qui se construit depuis l’enfance, où sont attendus la femme, la mère, la ménagère mais aussi l’athlète, et celui du corps animal primitif, instinctif. Les peintures, vidéos ou objets composites élaborés par Pascale Simont sont autant d’esquisses, d’interrogations et tentatives de construction autour de cette dualité. Parfois, frontières et horizon de l’île où Pascale Simont s’est installée depuis 2000 semblent s’immiscer dans le travail de l’artiste, comme un écho à cette fiction intérieure.
Laetitia Espanol, 2020.
Stéphane Kenkle
MÀJ. 27.06.2023
Né⋅e en 1975
Vit et travaille à La Réunion
Stéphane Kenkle est essentiellement connu pour ses peintures. Il a été mu tôt par ce sentiment à la fois simple et viscéral pour un peintre : avoir le besoin et l’impression de pouvoir maîtriser chaque espace d’une image. Son style est direct, sans fard, presque schématique. Sa palette originale n’oblige pas à un quelconque réalisme, bien que les œuvres de Kenkle soient figuratives. Le peintre s’est engagé dans un chemin auquel il ne dérogera pas : il s’attache à représenter les humains. Il choisit de peindre les personnes qu’il côtoie ou qu’il a pu rencontrer, de parler d’intime tout en gardant une pudeur à la fois bienveillante et sincère. Comme si c’était une évidence, Kenkle s’intéresse rapidement à montrer spécifiquement ses proches et sa famille. Il décide d’ancrer son œuvre dans la durée et d’accompagner des phases de vie, oscillant entre le trombinoscope de parent et le témoignage de ce qu’est une famille créole typique de La Réunion.
À partir de 2019, ses recherches sur l’art s’avèrent parfois encore plus radicales et notamment influencées par la pensée de Philippe Descola, cherchant avec lui à montrer que la distinction entre nature et culture n’est pas universelle, mais plutôt une construction sociale et culturelle variable.
Loïc Le Gall, 2023.
Cristof Dènmont
MÀJ. 11.05.2023
Né⋅e en 1977
Vit et travaille à La Réunion
-
LA BOX : 60 rue Auguste Lacaussade, 97430 Le Tampon, La Réunion
- Site Internet : laboxproject.com
Représenté⋅e par Opus Art Réunion, Aedaen Galerie
Les peintures de Cristof Dènmont sont des palimpsestes, elles sondent le fond de la peinture. Elles font surgir des traces et gestes à la surface, mettent la couleur et le trait au même plan, la figuration et l’abstraction au même niveau. L’artiste, actif sur la scène réunionnaise depuis les années 2000, a traversé deux décennies en restant fidèle à la peinture traditionnelle (acrylique ou huile sur toile montée sur châssis) tout en s’inscrivant pleinement dans une pratique contemporaine. Il fait ainsi émerger quelques signes en mixant des codes d’univers variés : symboles de l’industrie de consommation de masse, cocotiers et autres ananas simulacres d’exotisme, traces mêmes de ce que produit la peinture. Il questionne et rejoue de grands thèmes de l’histoire de la peinture et fabrique son propre langage marqué par l’équilibre de mélanges impurs. Dans ses œuvres, rien ne se voit a priori au-delà des couleurs sur une surface plane. C’est à s’y méprendre, mais en réalité, il s’agit d’un art de l’épaisseur, celui-là même dont le chemin est intérieur et qui nous parvient avec une étrange facilité. C’est à la grande histoire que l’artiste appartient en réactivant des partitions.
Diana Madeleine, extrait de La peinture est l’énigme, 2022
Stéphanie Hoareau
MÀJ. 05.11.2021
Né⋅e en 1982
Vit et travaille à La Réunion
-
Atelier OCETRA : darse n° 6, atelier 38, Le Port, La Réunion
Stéphanie Hoareau considère que l’art peut créer un espace de guérison spirituelle. Ainsi, elle prend comme sujet des proches ou des paysages dont l’histoire croise la sienne. Pluridisciplinaire, son travail est souvent beau et dérangeant : comme Khaïs (2021), un buste hyperréaliste en plasticrète d’un môme en colère, ou encore Dessins de famille (2018), une série minutieuse composée de dessins, sur de petites tablettes en céramique, de saynètes familiales équivoques. Elle se penche souvent sur l’enfance, qu’elle considère comme une période aussi vulnérable que créative. Néanmoins, son travail porte aussi sur une histoire régionale où colonisation, migration et solipsisme constituent une forme d’identité. En témoignent ses deux premières œuvres majeures, Bélouve et Welcome Salazie (2010), des peintures modulaires portant sur le paysage montagnard de l’île de La Réunion, aussi graves et grouillantes l’une que l’autre, comme si la terre elle-même, objet de rêve pour certain·es, contenait des cauchemars transgénérationnels pour d’autres.
Joana P.R. Neves, 2023.
Mounir Allaoui
MÀJ. 22.11.2023
Mounir Allaoui est plasticien, vidéaste et chercheur. Il mène un travail entremêlant voyages, recherche, anthropologie et images en mouvement, et produit des œuvres plus sensibles à la présence des corps, au son des voix et à l’inscription des figures dans l’espace qu’aux récits en eux-mêmes.
L’artiste filme en caméra ouverte sur le monde. Un monde à la fois domestique et solitaire, comme enclin à la rencontre au travers de larges horizons. De ses captures, il opère ensuite par retrait de tout élément de spectacle, de document ou de fiction risquant à tout moment d’enfermer l’image dans le discours.
Ce que Mounir Allaoui investigue, c’est plutôt ce qui reste de l’image lorsqu’elle s’énonce non-témoin, non-récit, lorsqu’on l’aborde depuis sa dimension « méta », à la fois en dedans et en dehors d’elle-même. Lorsqu’elle se délite dans l’errance et se dilue sur elle-même pour s’affirmer « seulement » image.
À l’origine des gestes vidéographiques de l’artiste : la sensation, celle de l’espace et du temps traversés par la « chair du visible* », quelque chose d’à la fois palpable et évanescent, de non verbal, qui crée l’intrigue…
Leïla Quillacq
*Pour reprendre les termes de Maurice Merleau-Ponty dans Le Visible et l’Invisible, 1988.
Esther Hoareau
MÀJ. 04.11.2021
Né⋅e en 1976
Vit et travaille à Saint-Pierre, La Réunion
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Saint-Gilles-les-Bains, La Réunion
Les œuvres d’Esther Hoareau engagent une réflexion sur les liens qui existent entre la Nature et l’Homme. Les vidéos, dessins, photographies, textes et performances mettent en lumière les différentes formes d’inscription du corps au sein de paysages (terrestres, célestes, marins, cosmiques). Avec une perspective à la fois poétique, facétieuse, spirituelle, philosophique et sensible, l’artiste s’empare du sublime : tout ce qui nous dépasse physiquement et conceptuellement. À la finitude de l’île, elle répond par l’échappée et par le détournement. […] Esther Hoareau met en œuvre un imaginaire qui est en partie nourri de son expérience de l’île, de ses voyages (concrets et mentaux) et de son observation des paysages (de ses détails comme de son immensité). […] Une ambivalence entre la fascination et l’inquiétude s’immisce dans une grande partie de l’œuvre d’Esther Hoareau. Ainsi, elle articule l’émerveillement, le réenchantement et la puissance, avec une part d’inquiétante étrangeté et d’inconnu.
Julie Crenn, extraits de TEXTES CRITIQUES SCÈNE RÉUNIONNAISE, 2019.
Alice Aucuit
MÀJ. 07.06.2023
Né⋅e en 1982
Vit et travaille à La Réunion
Représenté⋅e par Galerie Very Yes, La Réunion – Galerie Collection, Ateliers d'Art de France, Paris – Opus Art Réunion
Alice Aucuit fait de la céramique son médium de prédilection, une pratique traditionnelle qu’elle associe à des techniques de transfert et de reproduction contemporaines. Travaillant par corpus, aux titres évocateurs, elle se met en condition de production via des temps d’immersion dans un lieu et son Histoire, avec lesquels ses œuvres entrent en dialogue. Archéologie absente, Parodie, La part des anges ou L’écho des berceuses traitent ainsi pour chacun d’un patrimoine à la fois visible et invisible, point de départ de nouveaux récits. « Je détricote les contes et les mythes comme les faits d’actualité pour tisser des histoires anachroniques et syncrétiques que je brode sur la trame de l’Humanité », dit-elle. De l’intime à l’universel, du sacré au populaire, ces histoires figurent l’amour, la création, le féminin ou la mort et finissent par résonner dans l’inconscient collectif. Des thèmes qui s’inscrivent dans les cœurs et les ossements des séries Kèr et Bone China, contenant en creux une certaine mémoire du corps et des contes, cathartiques, comme autant de vanités.
Leïla Quillacq, 2020.
Romain Philippon
MÀJ. 09.02.2024
Né⋅e en 1980
Vit et travaille à La Réunion
Représenté⋅e par Inland
Romain Philippon est photographe indépendant à La Réunion depuis 2006. Ses images, à la lisière du documentaire, questionnent les thématiques liées à l’insularité, à la représentation de l’île et de ses habitant·es. Comment montrer La Réunion aujourd’hui, à l’heure où les représentations touristiques et exotiques prédominent ? Romain Philippon interroge le pourquoi des images, leur impact et leur statut. Il arpente des microterritoires souvent laissés pour compte, comme les populations qui y vivent et avec qui il tisse des liens, souvent sur un temps long. Ainsi naissent des clichés sombres et brumeux et des séries de portraits de celles et ceux qui ont intégré leur invisibilité. Des portraits situés, sans mise en scène et dont les regards oscillent entre défiance et fierté.
Romain Philippon saisit la vie quotidienne, avec ce qu’elle offre de banal, paisible, ennuyeux, mais aussi de violent ou de chaotique. Pour flouter les frontières entre le réel et la fiction, jouer avec la mémoire qui enregistre autant qu’elle transforme et résister à la dématérialisation des images, l’artiste fait régulièrement dialoguer ses photographies avec des écrits d’auteur·es ou de sa composition. En anticipant leur diffusion par la création d’éditions papier, proches du livre d’artiste, il garde trace de ce qui, inexorablement, appartient déjà au passé.
Kako
MÀJ. 02.03.2023
Né⋅e en 1963
Vit et travaille à La Réunion
-
30, rue des Grands-Kiosques, Bourg-Murat, La Réunion
Kako grandit dans les hauts de l’île de La Réunion où la nature est omniprésente, luxuriante. Dès l’enfance, il développe un intérêt intense pour cet environnement et, en particulier, une fascination pour les arbres. En les observant, il perçoit des signes, des mouvements, une forme surprenante de langage. Et c’est ainsi que l’arbre est devenu une figure de référence dans son travail plastique. Dans son dessin, sa peinture, ses installations, la silhouette de l’arbre découpe l’espace, recadre l’image et semble s’interposer entre le spectateur et la scène qui se déroule derrière ses ramures. L’artiste utilise l’analogie au système racinaire pour étudier l’Histoire du peuplement de La Réunion qu’il appelle « Le Nouveau Monde » en raison du caractère forcé de ce mélange de cultures. Il part alors mener son enquête à travers la zone indo-océanique et restitue dans ses pièces la poésie et l’étonnement nés de la friction entre son imaginaire et les bouts de mondes qui se sont glissés entre ses racines. Depuis 2019, Kako développe une expérimentation artistique avec Stéphane Kenkle : La Kour Madam Henry, menée sur le terrain de Kako à Mont-Vert les Hauts, où ils plantent jardin et forêt, à l’écoute du vivant.
Marie Birot, 2020
Jean-Marc Lacaze
MÀJ. 23.11.2023
Représenté⋅e par Aedaen Gallery, Strasbourg // Opus Art Réunion
Entre hilarité et gravité, le travail de Jean-Marc Lacaze fait l’effet d’une claque derrière les oreilles. En exploitant les qualités de multiples médiums et supports, il met en relation des codes et des motifs empruntés à différentes cultures, à l’Histoire et à l’actualité, et de cette confluence surgit un langage graphique singulier et franc. La distance entre la forme esthétiquement soignée et le fond d’une brutalité sans détour génère une tension narrative qui change la donne des prises de paroles que l’on dit habituellement engagées - quand elles ne font, en fait, que servir celui ou celle qui les profèrent. Le parti-pris de Jean-Marc Lacaze est d’interpeller et d’inviter au débat, avec une générosité certaine, et non de faire dans la provocation par goût du style. En ce sens, son travail est une forme plastique d’humour noir qui, en alliant une sensibilité à vif à une exigence intellectuelle aigüe, nous oblige à reconsidérer frontalement le what the fuck incessant dans lequel nous plonge l’observation des activités humaines.
Marie Birot, 2020.
Jean-Claude Jolet
MÀJ. 10.11.2021
Né⋅e en 1958
Vit et travaille à La Réunion
C’est en observateur du monde et de ses constructions sociales que Jean-Claude Jolet élabore ses projets. Sculpteur d’origine, ses réalisations vont de la photographie à l’objet composé en passant par l’installation d’envergure architecturale, convoquant une dramaturgie humaine par la mise en abyme d’objets culturels ou politiques. Sans collision aucune, les œuvres de Jean-Claude Jolet murmurent à qui veut l’entendre une marche possible du monde, en perpétuelle construction entre mouvements et replis. Matériaux manufacturés en tout genre mais aussi éléments naturels bruts s’organisent ainsi en « sculptures mentales », sobres et délicates, empruntant la précision du technicien, l’ingéniosité du bricoleur et la sensibilité du poète.
Laetitia Espanol, 2020.
Leïla Payet
MÀJ. 27.04.2022
Que peuvent bien avoir en commun un « kit de tétons pour braille », des petites murailles en carrés de sucre et un film mettant en scène la fuite et les tourments d’une femme créole dans le paysage paisible d’un bord de rivière ? De prime abord, le travail de Leïla Payet paraît insaisissable, indescriptible. On ne peut réellement le cerner. Fait d’une grande diversité de formes et de questionnements, chaotique et complexe, il est à l’image de l’artiste, le fruit de rebonds incessants, marqueurs de son extrême perméabilité au monde et de sa nébulosité. Son travail doit se lire comme le dépliement d’une pensée (plastique) en mouvement, il se développe en strates, des travaux de performance jusqu’aux projets de recherche sur la fabrication de la culture et de ses récits. De l’expérience solitaire à la grande danse de la vie. Mais pour l’analyser, on doit d’abord se forcer à éliminer toutes tentatives de généralités pour l’aborder en fragments épars. Son œuvre sibylline se révèle alors être une « construction » dans laquelle les productions ne cessent d’interroger et de renégocier les relations de l’art à la société.
Diana Madeleine, extrait de Elle est une île : indicible et invisible — Langage et espace dans l’œuvre de Leïla Payet