Magic Wick
Magic Wick, 2022
Série de 3 dessins, technique mixte sur papier de couleur, 50 x 70 cm.




Détails :










Photographie © Margot Montigny
La vision qui touche…
« La curiosité de l’enfance, l’artiste en prolonge le privilège bien au-delà des limites de cet âge. Il touche, il palpe, il suppute le poids, il mesure l’espace, il modèle la fluidité de l’air pour y préfigurer la forme, il caresse l’écorce de toute chose, et c’est du langage du toucher qu’il compose le langage de la vue. »
Henri Focillon1
« Catherine Boyer commence à dessiner des séries de cheveux en 2010, sur des petits formats d’abord (24 x 32 cm) puis des formats de plus en plus grands : Hair (2011), Hair Tresse (2013 et 2014) sont réalisés au stylo bille, feutres et crayons de couleur. Ses récentes séries, Divineariane et Magic Wick en 2021 et 2022 sont des grands formats à la mine graphite, feutres et crayons de couleur. Le motif de la tresse y est central, dans des compositions très élaborées, vues en gros plan : coiffures et parures incrustées de coquillages, étoffes et dentelles, perles et pierres précieuses, mais aussi d’objets plus quotidiens, comme des clés, ou des fleurs. Dans la toute dernière série, intitulée Magic Wick, la dimension ornementale est démultipliée, dans une exubérance baroque où les allusions érotiques restent très présentes.
Souplesse des boucles, lourdeur des tresses, satin des rubans, dureté des pierres, viscosité de la chair et des muqueuses… Catherine Boyer déplie un très large vocabulaire de textures : lisses, rugueuses, denses ou légères… Comme l’écrit Focillon dans Éloge de la main, ces qualités-là ne sont pas optiques. Elles sont tactiles. “ C’est entre les doigts, c’est au creux des paumes, que l’homme (ou la femme) les connut d’abord.2
” L’œil en garde le souvenir, et les dessins de Catherine Boyer possèdent ces qualités qui relèvent du toucher et du visuel en même temps : ce que Deleuze définit comme un nouveau sens, qui serait la fonction du toucher propre à la vue. Il s’agit de l’expérience haptique qu’il considère comme un troisième œil, qui permet de percevoir des “ énoncés tactiles ” et de saisir “ ce fait pictural venu de la main3
”. Comme certaines œuvres de dessin contemporain, de Maud Boulet, Min Jung-Yeon, Kate Atkin par exemple, le travail de Catherine Boyer offre cette expérience particulière du regard haptique. La finesse des lignes, la profusion des détails, l’extrême précision dans l’exécution, la diversité des textures piègent le regard, qui doit se rapprocher et prendre son temps pour saisir cette “ tactilité ” :
“ plus on s’attarde plus on s’approche et plus on est susceptible de toucher avec les yeux le dessin, se mettre dans la même posture que le dessinateur qui l’a produit. L’œil dans sa manière de voir peut dès lors trouver cette vision haptique, en s’approchant tant et si bien qu’il est presque en contact avec le support…4
” (…) ».
Patricia de Bollivier
Extrait de Le désir et ses corollaires - Volumes et dessins de Catherine Boyer
Lire le texte complet
- Henri Focillon, Éloge de la main, PUF, Paris, 1934 ↩
- Henri Focillon, id., p. 106 ↩
- Gilles Deleuze, Francis Bacon, Logique de la sensation, La Différence, Paris, 1981, p.103. Cité par Maud Boulet, Dessin Haptique, relations entre voir et toucher dans le dessin, sous la direction de Pascale Borrel, Université de rennes 2, 2015, p. 77. ↩
- Maud Boulet, Dessin haptique : relations entre voir et toucher dans le dessin, s/d Pascale Borrel, Université de Rennes 2, p. 82. Cf. https://www.maudboulet.com ↩