Grésillements
Grésillements, 2023
Installation de 10 tirages photographiques
Exposition Re-Bird, commissariat Colette Pounia, Artothèque de La Réunion, Saint-Denis, 2023.
Grésillements
« L’installation photographique porte un titre qui indique le sens en premier convoqué pour les percevoir : l’ouïe. Grésillements, le mot, définit ces crépitements de choses soumises à l’action de la chaleur, du feu, de l’intense lumière. Ou encore du grésil lui-même. Les textures des matières végétales - fibres hérissées, filamenteuses, écorces fendillées, désquamées, pointillées, en ébullition, apparaissent, dans une palette d’ocre rosé, de noir verdâtre que la lumière blanche vient éclairer. Ce nombre de dix pourrait être augmenté.
C’est une suite dans les sens numérique et musical de ce mot. Elle fait partition libre à jouer et à entendre. Les tailles des “ rondes ” varient en fonction de l’intensité sonore de chacun des fragments de végétaux “ brûlés ” donnés à voir en un auditorium déployé sur un mur devenant sonore. Ça crisse, ça pétille, ça craquèle, ça crépite, ça chuinte, ça clapote, ça craque, ça grésille, ça siffle. Ce sont les indications données par l’auteure pour jouer cette partition.
En 1963, Yasunao Tone a déjà proposé Anagram for String, une partition où “ les cercles et les points [font] figure de sons à jouer ”.
La pratique musicale de l’artiste est certainement à l’origine de cette pièce qui résulte de la relation image-son, de la correspondance entre arts visuels et sonores. Celle-ci décolonise notre pensée fondée sur la classification des arts qui attribue à la musique, la perception de l’oreille et du temps et à la peinture, celle de l’œil et de l’espace.
Mais l’artiste partage en commun avec Wassily Kandinsky, ce maître de la musique picturale, l’expérience subjective de la synesthésie qui en grec signifie “ perception simultanée ”. L’audition est colorée ou la vision est auditive. L’artiste russe voyait dans les couleurs leurs formes géométriques et leurs tonalités sonores qui ont abouti en ce magnifique Salon de musique de 1931. Les symphonies visuelles de Oskar Fischinger, résultent elles aussi d’expériences synesthésiques. Il réalise notamment Alegretto en 1936 ou encore Radio Dynamics en 1943, un “ film d’animation silencieux où les formes et les couleurs sont propre à susciter une musique mentale imaginaire dans l’inconscient du spectateur. ”
L’auteure de Grésillements cherche aussi à présenter la musique réelle qu’émet le végétal. Elle fait partie de ces artistes contemporains pour qui “ L’art du son est aussi plus en prise avec les préoccupations écologiques, avec des œuvres qui mettent en jeu la perception des quatre éléments : le son végétal, de la terre, du feu ou de l’eau. ” (Alexandre Castant) Comme nous n’entendons pas les bruits de nos organes internes, de la circulation du sang et de l’air dans notre corps, nous ne pouvons entendre ceux des végétaux qui sont aujourd’hui démontrés par les scientifiques.
Sans être dans Akousmflore, le jardin suspendu de Grégory Lasserre et d’Anaïs met den Ancxt du collectif Scenocosme, Grésillements est « un orchestre végétal qui prend vie, grâce à la magie d’un échange d’énergie invisible, mais bien réel. »
Colette Pounia
Extrait des cartels de l’exposition Re-Bird, commissariat Colette Pounia, Artothèque de La Réunion, Saint-Denis, 2023.