Le cheminement de la pensée

Par Béatrice Victor

2015

Reality Show, 2012
Série Archipel vertical
Acrylique sur toile, 70 x 100 cm.
Photographie © Laurent de Gebhardt

Cristof Dènmont envisage la peinture d’abord comme une surface. Un terrain de jeu, un territoire en métamorphose où se croisent et se superposent différentes intentions. Tous ces éléments distincts mais connectés entre eux sont des îlots composant un archipel du geste et de la pensée, à l’image du rhizome tel que le définit Édouard Glissant. Sa peinture cumule différents temps dans un même espace, et la surface de la toile témoigne du cheminement de la pensée. C’est de cette façon qu’il aborde la notion de paysage, en tant qu’expérience sensible.
La surface de la toile est pensée en tant que limite physique, et l’espace qu’elle suggère comme autant de possibilités infinies : « Peindre, c’est opérer des allers et retours entre ces deux espaces ». Cristof Dènmont poursuit aujourd’hui encore sa pratique avec cette volonté de peinture intuitive, expérimentale où les idées et les sensations se télescopent. L’aboutissement d’un tableau est en quelque sorte un compromis entre l’image et le processus de création.

Le peintre puise ses sujets dans différents vocabulaires de l’imagerie contemporaine créant ainsi des combinaisons visuelles expressives, il compose et joue avec les événements, petits ou grands de la vie quotidienne et de l’inconscient collectif. Les clichés et stéréotypes liés à l’exotisme apparaissent ça et là, comme les mirages ou les spectres d’une vision préfabriquée qui se superpose à la réalité. On retrouve dans sa peinture ce goût particulier pour les formes hybrides qui glissent d’un état à un autre, la forme changeante des nuages, le minéral, la végétation anarchique : cet état de grâce, ce moment de flottement où les formes suggèrent plus qu’elles n’affirment.

Passant librement d’une référence à une autre sans souci de hiérarchie, et basée sur un principe d’association d’idées, la peinture de Cristof Dènmont interroge notre imaginaire collectif, la place d’une île dans un monde globalisé où les valeurs se confondent, se nivèlent.

Il s’agit là d’une peinture festive, aigre-douce, expérimentale. Un point de vue insulaire, une mythologie en construction où texte, esprits, créatures, naissent, fondent et se confondent.