[Textes critiques] Scène réunionnaise

Par Julie Crenn

2019

« Les œuvres d’Esther Hoareau engagent une réflexion sur les liens qui existent entre la Nature et l’Homme. Les vidéos, dessins, photographies, textes et performances mettent en lumière les différentes formes d’inscription du corps au sein de paysages (terrestres, célestes, marins, cosmiques). Avec une perspective à la fois poétique, facétieuse, spirituelle, philosophique et sensible, l’artiste s’empare du sublime : tout ce qui nous dépasse physiquement et conceptuellement. À la finitude de l’île, elle répond par l’échappée et par le détournement. Les contours de l’île sont prolongés par les notions de mystère et de sublime (l’éruption d’un volcan, la profondeur de l’océan, l’immensité d’un ciel étoilé).

La relation entre le corps et le paysage est prétexte à l’ouverture d’un espace narratif, d’une fiction invitant à une projection, une traversée, un voyage. Esther Hoareau met en œuvre un imaginaire qui est en partie nourri de son expérience de l’île, de ses voyages (concrets et mentaux) et de son observation des paysages (de leurs détails comme de leur immensité). La littérature et le cinéma jouent également un rôle moteur dans son processus de création. La science-fiction rencontre ainsi le récit de voyage, la poésie, l’absurde et l’autofiction. Le film intitulé Sanctuaire (2009-2010) fait de l’île un territoire aussi paradisiaque que monstrueux. De l’abri protecteur elle devient progressivement un être dévorant pour les enfants perdus. Une ambivalence entre la fascination et l’inquiétude s’immisce dans une grande partie de l’œuvre d’Esther Hoareau. Ainsi, elle articule l’émerveillement, le réenchantement et la puissance, avec une part d’inquiétante étrangeté et d’inconnu. Le rapport d’échelle entre notre présence et celle des paysages engendre des sentiments antagonistes révélant une forme d’impuissance, de vanité, mais aussi un sentiment d’infinitude, de possible et d’extase. »

Julie Crenn, extrait de [TEXTES CRITIQUES] SCÈNE RÉUNIONNAISE, 2019.
Textes commandés par le FRAC Réunion.