Jack Beng-Thi

UP. 01.04.2025

Brûlé vif, 2005

Brûlé vif, 2005
Vidéo, 5 min
Réalisation Jack Beng-Thi
Image Maxence Denis
Montage Dzenid Jaganjac

Brûlé vif, 2006
Installation vidéo, fétiche Congo, bois, corde, fibres végétales, vidéo, dimensions variables.

BRÛLÉ VIF

« Devant nous, le fétiche se trouve déjà debout.
Il semble moléculaire.
Et pourtant il ne peut qu’être perçu. À cet instant précis, il prend pied dans un espace et, peut-être même, s’y enracine-t-il. Il en occupe le centre, y tient une position cardinale. Dans une posture digne et déterminée, ii confère toute son identité à cet espace qui, en retour, l’identifie à ce territoire.
Droit et majestueux, il est au cœur d’un cercle de terres, acteur et objet de mémoires ancrées. L’instant suivant, peut-être ne sera-t-il plus là. Aura-t-il fait mouvement ?
Alors, il sera redevenu imperceptible.
C’est en cela que le fétiche constitue un mythe tout à la fois structural et structurant. Il est l’instance totémique le devenir intense du totem.

Dans son dos, un flux de matières rituelles s’écoule, dans un tourbillon de danses, de luttes et de sacrifices. Scènes après scènes, ce flot infini emporte là substance pigmentaire de ces images jusqu’à ce qu’elles se confondent dans ce récit sériel. Une sorte de trouble mélanique qui, en mème temps, détourne l’attention de la substance et la fixe sur le différence. Le sens n’est plus dans l’image-signe, mais entre le noir et le blanc. Portés à vif, les contenus différenciés et la répétition de leurs ressemblances font saillir le rite comme une ligne de perceptibilité. Le rite devient molaire.

L’ensemble forme-t-il un diptyque entre le mythe de l’Afrique et quelques réalités africaines. S’impose-t-il comme l’exégèse d’une « pensée sauvage » comprise entre série et structure ? Est-il un ultime signal de l’ « Afrique fantôme » ou un signe africain qui ne vaut que replacé dans sa syntaxe continentale ?

Ni d’Afrique, ni Africain. L’ensemble compose un symbole.
Il est un acte expressif qui participe de l’Afrique en train de se taire au-delà de la contradiction apparente entre mythes et réalités. Des fils et des pinces électriques inscrivent le fétiche et ses rites dans l’instantanéité de l’agencement sensible : féliche-image-paroles.
Et, là encore, il prend place au milieu du monde.
Debout, il a affaire au monde. Il est à destination du monde et lui parle. Il exalte l’outre voix. de révolte : U’Tamsi, Césaire, Diop, Chamoiseau, Senghor, Niger… Il en exprime les voix en canon qui disent les mythes et les réafités jusqu’à conduire à l’exhortation.
Sa mâchoire est entamée, sa parole attaquée, et pourtant il exhorte.
Il verbalise le non-dit de l’Afrique, son inquiétante étrangeté. Entre mythes et réalités, le devenir-monde de l’Afrique s’ouvre comme un espace expressif.

L’Afrique passe du bruit à la parole pour dire : Arrêtez ! Arrêtez ! Votre temps prédateur ; vos jugements injustes… Inscrivez dans vos livres, dans vos panthéons l’acte innommable de la capture, du viol et de l’esclavage… »

Gilles Suzanne, 2006