Periferia, 2000


Periferia, 2000
Installation éphémère au Castillo d’El Moro
Photos, débris de maison, carton, feuilles de papier, bambou
300 x 80 x 60 cm
Biennale d’art contemporain de La Havane, 2000.
« Biennale de La Havane, novembre 2000, parmi des dizaines d’installations, de sculptures, une œuvre retenait mon attention. Au centre d’une pièce claire blanchie à la chaux, une œuvre verte à même le sol. Bambou, feuilles naturelles fraîchement coupées, assemblage symétrique, constituaient une sorte de damier tridimensionnel géant. L’entrechat des branches émondées évoquait des petits cadres parfaitement carrés, à l’intérieur desquels l’artiste avait disposé des images photographiques. Il me semble avec le recul, que des feuilles d’or constituaient le fond des alvéoles ainsi obtenues.
Il se dégageait une subtile tension, une sorte de dialogue entre le langage poétique, sylvestre, sauvage et l’élégance classique de la structure végétale. Celui où celle qui avait réalisé cela, arrivait d’un autre univers, me suis-je dite. Un je ne sais quoi de rituel oriental, une sorte d’offrande, de reposoir, qui m’a semblé étranger au « Nouveau Monde », l’Amérique, la Caraïbe. La forme cependant, trahissait une science académique, bien européenne. Je relevais quelques vagues accointances avec l’art brut, je retrouvais Alechinsky dans le quadrillage de la surface. Comme si l’intention de l’artiste avait été de brouiller savamment les limites opposant nature et culture. Mais, il y avait surtout quelque chose de cérébral, d’intellectuel dans la mise en scène. Cette œuvre décidément était réfléchie, planifiée dans ses moindres détails. Le résultat était méticuleux.
L’installation, constituée d’éléments végétaux, avait la grâce d’éviter la référence au paysage. C’était en soi, un tour de force.
Des catalogues abandonnés sur le sol formaient un tas, le nom de l’artiste se lisait : Jack Beng-Thi. Il arrivait de l’océan Indien, de l’île de La Réunion précisément. Deux aspects de sa réalité me sont venus à l’esprit à ce moment là : il parle créole, certes, mais il est aussi français…
Nous ne tardons pas à faire connaissance, je lui adresse la parole dans mon créole haïtien. Il me répond dans son créole à lui, plus proche d’un vieux français qui aurait trempé dans un bain oriental. Le miracle c’est que nous nous comprenons !
C’était dans un vieux fort colonial tout en pierre, la mer magnifique et bleue battait les remparts, la vue sur la vieille ville se révélait imprenable, ce qui s’en suit de cette rencontre, compose le récitatif d’une décennie d’amitié, au pluriel, puisque nos réseaux artistiques vont se croiser, se superposer voire se confondre. (…) »
Barbara Prézeau Stephenson
Extrait de Jack Beng-Thi, terres caraïbes, accordages, tissages métissés des cultures, 2010
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