Jack Beng-Thi

UP. 01.04.2025

Shobali Soudan, 2007

Shobali Soudan, 2007
Photogramme, trace vidéo de cérémonie
Chamelle, tell (fibres végétales, corde, fleurs), chant.
Shobali Soudan, 2007
Installation, tell (fibres végétales, corde, fleurs), vidéo, sable, dimensions variables.


Shobali Soudan, 2007
Vidéo, 11 min 55 s.
Oasis de Shobali, Soudan.

« (…) Au cœur des trois Nils, sur l’île de Tuti, le travail de Jack Beng-Thi a pris une forme toute autre. L’approche n’a pas été résolument plastique et s’est déroulée en deux moments. D’une part, il filme Daf Allah Ali, un poète également musicien-interprète et ethnomusicologue. L’homme guide d’un pas léger un dromadaire surmonté d’une pyramide fleurie d’une multiplicité d’essences exotiques. La lenteur de la marche, mêlée de mélopées susurrées, confère à la présence de ce lyrique pèlerin un caractère éthéré. Quasi intemporelle, la situation a quelque chose de transparent. On touche presque à une sorte d’absolu, pour ne pas dire d’évidence de l’être dans son rapport à la nature. Le processus de la marche, forme par excellence de l’immanence du monde, s’allie parfaitement à cette forme de transcendance que symbolise la figure pythagoricienne du triangle. Son équilatéralité, qui dans certains cercles incarne la terre, semble indiquer une triangulation possible entre l’être, le monde et la nature. Équivalence pour le moins signifiante dès lors qu’elle se trouve prise dans le mouvement même qui ne cesse de la faire advenir sans jamais qu’elle puisse se laisser fixer. Le geste vidéo, quant à lui, excède dès lors ses fonctions d’enregistrement. L’image-mouvement invitant à prendre le temps pour voir les choses dans leur réalité. Et c’est à cela que convie le second moment du travail de Jack Beng-Thi. La pyramide de fleurs trône à présent dans la salle d’exposition. Sur un lit de sable, et de son intérieur, l’image de sa circulation poétique défile sur la surface de projection. Elle montre bien plus que son simple déplacement. Ce dernier symbolise, contre toute évidence, le temps de la rencontre en train de se produire entre des éléments culturels, certes, étrangers les uns aux autres, mais entraînés par la scansion du poète. Une rencontre dont l’image, a priori, l’identité, pourrait tenir de l’artifice, mais que le temps réel de la vidéo nous dévoile, précisément, dans toute la complexité de son agencement en train de s’opérer incessamment. Cette coïncidence entre transcendance et immanence de l’être et du monde forme-t-elle une issue pour l’être ? Une lecture cursive de ce travail vidéo laisserait à penser que tel est le cas. Mais, à l’instar de son travail marseillais, Jack Beng-Thi place une seconde œuvre en contrepoint. Une seconde œuvre qui vient comme pour interroger la première. Une vidéo sculpture, Qui a bu l’eau du Nil ?, diffuse l’image d’un homme en prise à des eaux tumultueuses. Mais ne nous y trompons pas, l’image représente moins celle d’un homme en train de se noyer, que le péril qu’il encoure. Elle attire notre attention sur la survenance possible de l’irréversible qui peut advenir à chaque instant. (…) »

Gilles Suzanne
Extrait de L’itinéraire d’une résidence, 2010
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