Des racines et des idées

Par Jean-Alain de Balbine

2015

« Sanctuaires » ouvre ses portes sur une vision atypique de Stéphanie Hoareau. Avec Bélouve, peinture monumentale, elle nous insère sans ménagement dans l’inextricable nœud des diversités émotionnelles. L’oppression, qui se manifeste d’entrée, nous maintient dans une intériorité que les raies de lumière de la toile conjuguent avec force. Le parcours chaotique des racines de cette forêt lié à la signifiance du titre ramène aux grands héritages historiques de l’île.
Ce panorama semi-circulaire propose une navigation tortueuse au sein des différentes couches identitaires de l’insularité. Enchaîné à l’ouvrage des forges de la Fournaise, ce collectif identitaire induit une dynamique interrelationnelle des individualités.
Nécessaire collaboration symbiotique du végétal et du minéral qui a pour finalité l’émergence de la vie. Expression d’un combat séculaire, l’harmonie résultante ouvre à la réflexion sur les valeurs au cœur de cet ensemble. Le désordre apparent qui règne dans cet amas de racines peut induire en erreur. L’illustration de ce combat séculaire de l’individu contre les éléments donne l’impression qu’il est perdu d’avance.
Ce n’est pourtant pas le parti pris de l’artiste. À y regarder de plus près, on prend conscience qu’au-delà de la confusion primaire croît une énergie positive. Derrière la forêt, se cache l’arbre qui dissimule une cohésion d’ensemble. Cohérence essentielle à la survie et au partage dans ces lieux inhospitaliers.

Bélouve, 2010
Acrylique sur toile, 200 x 900 m (6 toiles de 200 x 150 cm).
Collection Ville de Saint-Pierre, La Réunion.

Cette invitation à l’errance, sur les cimes de l’héritage, arme le piège de l’illusion d’un cœur de réunion. Illusion accrue par l’isolement où elle se développe. Errance et illusion adoptant une posture suggestive face au visiteur qui, emporté par le dialogue, se laisse entraîner sur les méandres d’une surprenante conversation.
Tantôt dramatiques, sereines, espiègles ou colériques, les sonorités émises parcourent toute une gamme de sensations pour, en fin de compte, convoquer les protagonistes à la nécessaire compromission du « bien vivre ensemble ».
La nature de Stéphanie Hoareau s’avance bien au-delà de l’esthétisme plastique pour montrer la voie des possibles collectifs, dans le respect des individus. Pensée éminemment prioritaire à l’heure où le monde regorge de conflits futiles. L’art du compromis et le respect des besoins de chacun peuvent être une option valide dans l’éclosion d’un équilibre fort et stable.
Elle montre aussi la force complexe qui œuvre dans l’esprit de ces communautés insulaires. Évoluant sur un territoire restreint et peu propice à l’expansion de la vie, elles doivent faire preuve de qualités particulières à ces milieux. Emprisonnées dans ces écologies miniatures, elles sont plus vigoureusement exposées aux diverses problématiques de vie.
Au final, Stéphanie Hoareau appelle à se pencher sur les valeurs que nous véhiculons au travers de nos actions et de notre capacité à ne jamais abandonner.