Jean-Marc Lacaze

MÀJ. 23.11.2023

Chien noir

Chien noir, 2012
Série de 18 dessins à l’encre de Chine sur papier
16 dessins de 45 x 70 cm
2 dessins de 70 x 100 cm


« À travers la famille des Chiens noirs, assemblée avec Ananda Devi dans un livre profond1 , ou encore les figures égarées du mythe marron (dans le film Malavoune Tango), Jean-Marc Lacaze documente la multitude des esseulés, la troupe défaite des indésirables.

Il suffit d’un instant fugitif pour que les errants nous fixent, et plus encore, nous appellent à les rejoindre, du côté des fantômes : « lorsqu’ils soulèvent sur moi leur regard, le noir de leurs orbites me parle de gouffres et de braises, l’étoile éteinte qui y rôde m’annonce la mort des choses », écrit Ananda Devi.

Les chiens marrons qu’élèvent secrètement les jeunes migrants comoriens et les bandes d’adolescents mahorais en vagabondage, réfugiés dans les forêts de Mayotte, font eux aussi état de cette fonction mythique des animaux totémiques. Lorsque dans la dernière partie de Malavoune tango, le meneur du groupe déclare, désabusé, que les chiens errants, c’est lui-même et sa bande de sans-papiers, de sans-famille, il accomplit une première mythification, un rituel d’errance qui vise à se choisir un exclu, un pharmakos comme emblème2 . Privés de leurs mythes d’appartenance territoriale et communautaire par leur état de migrants et de sans-domicile, les jeunes ont ainsi reconstitué une forme symbolique et une activité rituelle autour de la figure de l’animal maudit en terre d’Islam, du monstre totémique faisant cruellement miroir, et condamné à errer, à fuir et à combattre pour sa survie. Le sacrifice de l’animal élevé et choyé par son maître est constitutif de ce totémisme mythique : le chien émissaire finira par mourir à l’issue d’un combat organisé par son possesseur, assurant par le rituel la survie de ce dernier. »

Nicolas Gérodou
Extrait de Jean-Marc Lacaze - Spectres du mythe insulaire, 2024
Lire le texte complet

  1. Ananda Devi, Jean-Marc Lacaze, Chiens noirs, Caen, Dodo vole, 2017
  2. Lacan le dit vigoureusement : « Le symbole est le meurtre de la chose en ce qu’il se met à sa place et entend tenir lieu d’elle » ; inversement, le sacrifice de l’animal symbolique permet la survie de l’être.