Nuit
Nuit
co-réalisation et musique de Richard George
(2003, 20 min environ)
Dans ce film vidéo (Nuit), Mathilde (le modèle, le personnage), est la seule présence humaine. Elle n’est pas un motif dominant. Sa position est centrale, tout s’organise autour d’elle, mais en termes quantitatifs, d’autres motifs appartenant au paysage urbain (lampadaires, voitures, immeubles) ont plus d’importance. Choisir des motifs et des couleurs est mon premier parti pris, la narration ne se constitue réellement qu’après, souvent durant le tournage, ou même au montage. Il s’agit généralement d’une narration intemporelle, comme des changements climatiques : il pleut, la nuit tombe.
Pour « Nuit », en plus de la narration de base : la nuit tombe et s’écoule, on trouve un autre élément : une fille attend. On ne sait pas ce qu’elle attend. Ses états d’âme semblent noyés dans l’atmosphère de la nuit.
Il est question de sensations, d’où l’importance de l’habillage sonore et du travail musical de Richard George. Mathilde qui s’est beaucoup ennuyée sur le tournage en se contentant d’une posture, celle d’attendre assise au pied d’un lampadaire, n’aime pas vraiment le résultat. Elle se demande pourquoi son personnage apparaît et réapparaît sans que cela ait un sens.
L’idée que Richard George et moi avions du théâtre nô fût en fait le point de départ du projet. Nous avions une structure narrative calquée sur la structure des pièces de Zéami : un personnage rencontre un esprit (Mathilde) qui lui conte les événements qui l’ont conduit à la mort.
Mais très vite durant le tournage, la dimension fantastique et l’importance du récit furent amoindris, seul le temps dilaté peut rappeler la référence originelle du projet. Cependant, j’ai tenté de faire en sorte que le personnage féminin garde un aspect fantomatique.
L’échec de l’idée d’origine est dû à des décisions prises en fonction des lieux et des moyens. Il m’a très vite semblé difficile de joindre l’idée du théâtre nô à l’espace, aux motifs urbains que j’avais choisis. Ce qui déterminait mon projet était le choix du lieu : assez rapidement, le désir de garder mes idées de base m’a semblé vain. Mon envie d’utiliser un élément de folklore japonais s’est vite dissoue dans la consistance que je tentais d’apporter à mes motifs. Dans mon approche de la vidéo, c’est l’espace qui accueille le sujet et non le sujet qui initie le projet. Les motifs ne sont pas verbaux, mais matériels, car je travaille en prise de vue. Cette manière de percevoir le médium vidéo, au-delà des thèmes, est à l’origine de mes gestes, la raison de mes productions.
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