Somin en krwa
Par Leïla Quillacq
2015
L’univers pictural de Stéphane Kenkle est habité de silhouettes anonymes fondues dans des motifs qui composent le décor de scènes non identifiées, bien qu’étrangement familières. Ces figures, à l’état d’apparitions, se présentent presque toujours de face dans des environnements graphiques indistincts, en général dépourvus de sol ou de plafond, assumant les invraisemblances anatomiques ou de perspective. Sorte de tableaux de familles fantomatiques, les poses réfèrent à un certain classicisme, mêlé de détails trompeurs ou déroutants : ici une posture quasi religieuse nous rappelant les vierges à l’enfant ou les portraits de noblesse, là un travail des couleurs baigné par les fauves, là encore une couronne de lauriers à l’antique ou un chien bleu comme une orange digne d’une iconographie surréaliste. Les signes s’entrecroisent jusqu’à faire disparaître les repères d’espaces et de temps, et rendre l’histoire supposée de ces portraits au pouvoir imaginaire. Les tableaux à la fois accrochent et se fondent, dérangent par cette présence du regard.
En 2014, l’artiste fonce dans le vif du sujet en s’adonnant à la réalisation d’une série de 14 tableaux sur le thème des stations du chemin de croix du Christ. Ces acryliques sur toiles de 200 x 150 cm offrent une représentation au plus près de ce que Stéphane Kenkle vit et pense alors comme une symbolique criante de ce que peut être le parcours d’un artiste « qui porte sa croix » jusqu’à atteindre les sommets escomptés, ou simplement jusqu’au moment, fatidique, d’une exposition : « Mon premier contact avec la peinture s’est fait par le biais d’images pieuses qui peuplaient la case familiale. (…) Le chemin de croix avec ces 14 stations que l’on peut suivre image par image comme une bande dessinée, ces statues de plâtre aux couleurs chaudes qui ornent les moindres recoins des églises, tous ces éléments ont sans doute contribué à ce que je devienne moi-même peintre. » nous dit-il. (…)
Leïla Quillacq, Somin en krwa, 2015