Welcome Salazie
Photographies ci-dessus © Félix Mula
On remarquera, à près d’un siècle de distance, les hasards d’une exposition. À quelques encablures de l’Orangerie du palais du Luxembourg, Les Nymphéas, œuvre magistrale et testamentaire de Claude Monet, invitent au recueillement dans le musée de l’Orangerie sis dans le jardin des Tuileries. Point là de comparaison, mais la filiation pour Stéphanie Hoareau existe, qui reconnaît l’influence pérenne du maître. Sam Francis, Joan Mitchell et Jackson Pollock, entre autres signatures, en leur temps eux aussi, rendirent hommage à « l’illusion d’un tout sans fin » qui bouleversa l’espace pictural pour préfigurer l’abstraction.
Le mot d’immersion revient à juste titre pour qualifier la perception de l’ensemble panoramique. Une immersion certes engagée par le format, mais également par le parti pris elliptique et l’absence de ligne d’horizon. S’il y a héritage, chez Stéphanie Hoareau, il se situe dans la volonté de donner à voir la réalité d’un paysage en le déconstruisant. Sans prise au sol, ni accrochage mural, les six toiles de formats différents qui forment l’œuvre unique titrée Welcome Salazie « installent » en suspension un espace déployé. D’un tableau à l’autre, la ligne de crête parfois engage un continuum, ailleurs le pervertit. Matérialisée au sens propre, la succession des plans sert la profondeur de champ. Depuis l’horizontalité d’un premier plan jusqu’au dessin d’un relief qui se détache sur le ciel, la lecture ascendante s’impose. En écho, la couleur peu à peu se « dilue », d’abord presque saturée, et progressivement atténuée à mesure de la circulation de l’air. En point d’orgue, un fragment angulaire bleu perce l’horizon. « Ceci est la couleur du ciel » constitue une autre leçon.
Tran Arnault, commissaire d’exposition d’OMA. Orangerie du palais du Luxembourg, Paris, 2011.
Hors-série Beaux Arts, 76 pages, paru le 1er juin 2011.