Abel Techer et la fluidité du genre
Par Camille Bardin
2020
« Je ne voulais pas écrire de texte sur ton travail Abel, je voulais simplement retranscrire l’échange que nous avons eu hier, dans ton atelier, et le publier tel quel. Ce n’est pas que l’envie me manquait, bien au contraire, mais ta peinture est si intime que cela me semblait déplacé de lui imposer mes mots. Écrire sur ton travail, c’est comme changer les meubles de place dans une maison où l’on est l’invité, cela ne se fait pas. Mais tu me l’as demandé – pour connaître mon avis as-tu dit. Alors je vais tâcher de te dire ce que j’ai ressenti face à tes peintures et, comme ce texte est destiné à être publié, je vais essayer – prudemment – d’expliquer à la personne qui me lira ce qu’elles figurent.
C’est toi qu’on voit. Tu es là, devant nous, habillé de ta chair imberbe. Avant de commencer à peindre, tu as laissé tomber tes vêtements, tu t’es enduit de gel puis tu as laissé glisser ce rasoir contre ta peau. La lame a coupé tous les poils que ton corps produit : ceux des jambes, du pubis, du torse, du visage et du crâne. Tu es donc là, face à nous, complètement nu. Ton visage, parce que tu lui as ôté ses sourcils, revêt des émotions étranges. Tu sais, Abel, j’ai toujours eu du mal à regarder un visage entièrement rasé. Historiquement, c’est l’une des premières violences que les bourreaux infligent aux condamnés : on a ainsi successivement rasé les sorcières pour trouver sur leur corps la marque satanique, les crânes des personnes déportées, puis ceux des femmes qu’on accusait d’avoir couché avec l’ennemi à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; aujourd’hui le crâne rasé, c’est aussi le signe d’une chimiothérapie longue, douloureuse, et parfois vaine. Mais chez toi, la symbolique est autre. »
Ce texte est un extrait. Lire le texte de Camille Bardin en intégralité.
Il a été écrit pour Jeunes Critiques d’Art, un collectif libre, indépendant et bénévole.