Clotilde Provansal

MÀJ. 03.12.2024

Tout brûle dans l'heure fauve

Tout brûle dans l’heure fauve, 2022
Installation vidéo, 3 min 43 s en boucle.
Exposition Re-Bird, commissariat Colette Pounia, Artothèque de La Réunion, Saint-Denis, 2023


Images extraites de la vidéo

Tout brûle dans l’heure fauve, 2022
Vidéo, 3 min 43 s en boucle.

Tout brûle dans l’heure fauve

« Nous nous penchons pour regarder Tout brûle dans l’heure fauve, une installation vidéo dont le film est inséré dans un socle circulaire posé sur le sol. Il délivre un univers onirique et fantastique. Il tourne en boucle car le petit paysage traversé par nos yeux et entendu par nos oreilles est infini. C’est ainsi que peut se justifier ce dispositif circulaire entourant un espace en mouvement, comme une tourbière, un milieu fluide et humide où cohabitent de nombreuses espèces du vivant.
L’image commence par un fort grésillement et l’œil rase le sol d’un sous-bois. Il rencontre des fougères, des champignons, de nombreux végétaux, des insectes… dans une palette grise translucide incandescente, fortement sensualisée par l’usage d’une caméra endoscopique. Et par le bleu d’un œil, couché à même l’humus, un grain de beauté qui fait tache de sang. L’œil effleure des morceaux de peaux humaines. Il y a de l’humain dans cette tourbière souterraine et aérienne ! “ Fragmenté, érotisé, présent par ses sens ” (les mots de l’artiste). Il vit dans un concert perpétuel de chants et sifflements d’oiseaux, de croassements de grenouilles, de chuintement et clapotis de l’eau.

Il s’agit de se pencher sur l’humus pour chercher son reflet dans un paysage intériorisé, sondé de l’intérieur, sur une image miroir entre rêve et réalité, pour encore participer à un récit de voyage, pris dans un vortex où fourmillent de nombreuses formes du vivant sur un mode animiste et érotique. Ré-envisager nos modalités d’être à l’autre car notre identité se ferait par incorporation d’altérité. L’humain perçu à l’horizontale est “ partiellement humain ” (E. Coccia).
Il est ce faune qui poétise dans L’après-midi d’un faune1 de S. Mallarmé, “ un poème de l’allusion et de l’illusion heureuse ” ; un “ poème [qui] est un souvenir que le Faune met en image ” ; qui a suscité de nombreuses reprises et interprétations dans des arts différents : le prélude musical de Debussy en 1894, la sculpture sur bois de Gauguin en 1893, la chorégraphie de Nijinsky en 1912 et ici, humblement, Tout brûle dans l’heure fauve en 2023, un titre qui est l’un des vers du poème initial versifié entre 1865 et 1875. Ces “ actualisations successives parmi les arts donnent la mesure ce qui se joue entre les arts, quand chaque art prête à un autre ce qu’il ne possède lui-même que par défaut, ou par surcroît, et quand les arts se lient entre eux au point où chacun est avec l’autre sans commune mesure. ” Si nous substituons, dans cette réflexion de Jean-Nicolas Illouz, le mot “ art ” par les mots “ espèce du vivant ”, elle délivre avec clarté le propos de cette pièce. La vision de l’art est une vision du vivant où tout brûle dans l’heure fauve et qui suscite “ un désir de fusion panthéiste de tous les règnes ” (propos de l’artiste).” »

Colette Pounia
Extrait des cartels de l’exposition Re-Bird, commissariat Colette Pounia, Artothèque de La Réunion, Saint-Denis, 2023.

  1. Jean-Nicolas Illouz, « L’Après-midi d’un faune et l’interprétation des arts : Mallarmé, Manet, Debussy, Gauguin, Nijinski » in : Littérature, 2012/4 (n°168), pp. 3-20.