Light bulb, Points de suspension

Par Patricia de Bollivier

2012

Vues de l’exposition collective Points de suspension, opération « Tribune Vidéo »Ankraj-OIgalerie de l’École supérieure d’art de La Réunion, Le Port, 2012.

Jean-Claude Jolet est sculpteur. Ce qu’il donne à voir dans Light bulb est issu, comme ses précédentes propositions vidéo, de ses expérimentations autour de l’ampoule à filament, son empreinte dans le sable, et le jeu d’eau et de lumière qu’il y inscrit. Le titre rend hommage aux œuvres de Jasper Johns, compagnon de route de Rauschenberg, avec qui il créa le mouvement néo-dada à la fin des années 50, préfigurant les multiples « aventures de l’objet » du pop art de la décennie suivante. « Take an object. Do something to it. Do something else to it » : cette phrase de Jasper Johns s’est appliquée durant près d’une vingtaine d’années, de 1958 à 1976, à l’ampoule électrique. Les Light Bulbs de Johns sont des répliques faites à la main d’un produit industriel fabriqué en masse.

Jean-Claude Jolet nous en montre l’empreinte, dans une projection de grande dimension sur trois lés de papier installés dans l’angle de la pièce. Trois empreintes d’ampoules réalisées dans du sable noir magnétisé, posées tête en bas, comme suspendues sur un fond de matières sombres. De l’eau, qui sourd des profondeurs de l’image, et qui, de manière cyclique, va jouer et rejouer le même scénario à l’intérieur de l’empreinte : émergence, croissance, entropie, disparition. Ce triptyque, qui emprunte fortement à la peinture, notamment à l’image du retable, donne, par le rythme des images, et l’intensité quasi auratique de la lumière, une vision sublimante de l’ampoule, sorte d’apparition lumineuse sur fond de ténèbres, trinité d’idoles modernes invitant à la contemplation, au recueillement, ou tout au moins à l’absorption hypnotique. Les ampoules de Jean-Claude Jolet, telles des épiphanies, durant un temps très court, se confondent avec de véritables ampoules, puis se délitent et disparaissent.

Entre le début et la fin, l’apparition et la disparition, s’établit un ordre cosmique, le spectacle d’un monde en perpétuel mouvement, oscillant entre d’infinies vibrations et des plages de silence avant disparition progressive, extinction puis recommencement.