Xavier Daniel

MÀJ. 10.07.2024

Humanité(s

Humanité(s, 2016 
Installation monumentale, terre, bois de goyavier, verre, métal, gravure, 4 x 4 x 7 m.
Place des droits de l’homme et de la laïcité – Parvis Champ Fleuri, Saint-Denis, La Réunion 
Commande publique du Conseil départemental de La Réunion 



« Sculpture monumentale de 4 m d’envergure pour 7 m de haut intégrée à la pelouse, cette œuvre formalise la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité » à laquelle sera adjointe un quatrième mot : Laïcité. (…) Elle est orientée selon un plan de base qui suit les axes Nord-Sud/Est-Ouest, comme une boussole ou un cadran solaire et fait référence aux directions des 4 continents à l’origine du peuplement de l’île. Simultanément, Humanité(s se situe à la croisée des Archives départementales, lieu de mémoire, du Tribunal, lieu d’exercice du Droit, et du TÉAT Champ Fleuri, espace de diffusion de la culture.
(…)
Comme dans chaque œuvre du corpus Interface[s, il s’agit de créer un espace sacré lié à la quadrature du cercle. Passer du carré représentant la matière au cercle symbolisant le spirituel. La synthèse des deux : l’humain de demain. Entre le carré visible extérieur et le disque central : un espace déambulatoire - la kour - invite le spectateur à se positionner à l’intérieur de l’œuvre, comme une nécessaire présence et implication de l’humain dans la société. La République sans l’engagement de ses citoyen·nes n’est qu’utopie. »

Xavier Daniel

Extrait d’entretien avec Xavier Daniel,
par Bérénice Saliou, 2024.

« Humanité(s »

C’est la terre qui façonne sa recherche plastique et esthétique et c’est sur tout le territoire de l’île et ailleurs qu’il disperse des créations insolites qui interpellent les passants, ses spectateurs, ses visiteurs.
Dans ses installations in situ c’est la terre et sa planéité qui l’inspire et sur laquelle il appose des marques, des traces, des lignes et des cercles : des formes graphiques géométrisées qui évoquent des espaces de rituel magique.
Une horizontalité souvent associée à l’élévation des chaumes de bambou.
Cette construction de base qui semble être un principe récurrent chez l’artiste se retrouve dans « Humanité(s » œuvre conçue spécialement pour la place des droits de l’homme et de la laïcité à Champ-Fleuri inaugurée en décembre 2016.
Au sol ce sont quatre figures géométriques qui marquent les angles d’un grand carré et sont orientées aux quatre directions des pays à l’origine du peuplement de l’île : l’Inde, l’Europe, la Chine et l’Afrique.
Elles sont creusées dans le sol. Les parois de ces fosses sont tapissées de lamelles en bois de goyavier tressées, mêlées, délicatement imbriquées les unes dans les autres et protégées par une vitre. Cet aspect précieux souligne une forme originale de diamant facetté et coupé en biseau, enfoui dans la terre.
Cette figure symbolique au sol s’organise autour d’un cercle à partir duquel s’élèvent des chaumes de bambous en bouquet irrégulier. Des inscriptions y sont gravées qui sont des pronoms représentant, remplaçant les noms de tous ceux qui composent cette population diverse et métisse.
Comme dans les œuvres précédentes : « portail(s Mozambique-Réunion, 2010 » ; « Portail(s Maurice-Réunion, 2012 » ; « Réunion 2013 » ; « Domaine de Chamarande, 2013 » et « Interface(s Festival Zétinsel, Arborétum de l’Entre-Deux, 2014 » qui sont autant de territoires mystérieux et enchantés, « Humanité(s » apparaît comme un espace chamanique et magique où le parcours oriente vers l’extérieur comme une boussole et concentre l’élan vital à l’intérieur.
Proche des mandalas d’Extrême-Orient, « Humanité(s » invite à la contemplation et à la méditation.
À la réflexion sur l’histoire de l’île de La Réunion qui n’est pas vraiment une terre des origines puisque celles-ci puisent dans le tourbillon des Océans et des migrations de population venus de territoires proches et lointains : la France, l’Afrique, l’Inde, la Chine. Dans le Sud-ouest de l’Océan Indien, La Réunion, vierge île tropicale, fut un point d’ancrage dans le vaste océan pour les navires qui dès le XVIIe siècle croisaient le long de la fameuse route des Indes.
Ce rayonnement à grande échelle, au-delà des mers, Xavier Daniel le matérialise au sol par ces pointes de diamant orientées aux quatre continents à l’origine des populations qui sont, à présent, liées, tressées, mêlées, tissées.
La force symbolique de cette histoire se retrouve au centre de l’œuvre qui manifeste l’énergie créatrice. L’élancement des chaumes de bambou qui en strates, par étapes, montent, s’élèvent et grandissent.

L’île de La Réunion émerge de l’océan Indien telle une rose des vents dont le devenir métaphorique suggère une puissance en constante évolution.

Caroline de Fondaumière, 2017
Historienne de l’Art, directrice de l’Artothèque du Département de La Réunion.