Jack Beng-Thi

UP. 01.04.2025

Salam

« Telle une femme amoureuse
tu étends tes bras tentaculaires
dans la vaste plaine du Tamil.

En matinal, je déambule d’un pas mal assuré
dans les ruelles gorgées de senteurs indéfinissables.
Entre les fils de cette nasse poussiéreuse, désordonnée, amante,
j’esquive les kholams fraîchement dessinés
par des mains brunes enrobées de saris.

Les rails du train chewingommés impriment
de grandes entailles autour de tes reins madras.
Le saddhu à la voix perçante autour du feu sacré
t’interpelle pour mieux t’embrasser.

La ronde effrénée des rickshaws,
coccinelles enrubannées de jaune et de noir
joue dans les plis et replis de ton corps
la mélodie-sitar d’un sacrifice à venir.

Chennaï… Chennaï…
De quel temps es-tu ?

J’emprunte humblement tes veines souterraines
bondées d’une foule sucrée salée, huilée de coprah
pour me remplir de la pulsation puissante d’un santal millénaire.

Au sortir du tunnel dans l’azur fébrile, je croise sans mots dire
Amirul de la caste des agriculteurs
Karim de la caste des sculpteurs
Radhita de la caste des blanchisseurs
Arjun de la caste des ramasseurs de bouses
Indhira de la caste des potiers
Surya de la caste des chasseurs de poux
viskhas de la caste des cueilleurs de thé
L’aveugle de la caste des hommes sans nom.

Chennaï… Chennaï…

Ton front orné du point rouge des dieux silencieux restera
à jamais gravé dans mon mémoire d’îlien. »

Jack Beng-Thi, 2010