Migline Paroumanou

MÀJ. 07.08.2023

Koz ek la mémwar

Koz èk la mémwar, 2009
Série de dessins, technique mixte, collage, 39,5 x 56,5 cm.

Conversation avec la mémoire

Être insulaire. Être continental. Être semblable et différent.
Être un Homme.

L’Homme est complexe, constitué de deux parties différentes, un corps et un esprit. Ces deux parties sont indispensables à la construction et l’épanouissement de chaque être.

Notre psyché guide la construction de notre être, par notre histoire et notre environnement faisant de nous un être unique. Notre corps, lui, a son programme ADN comme guide. Et tous ces facteurs se combinent, se complètent et se compensent les uns les autres.
Dolto nous parle de l’image du corps. Cette notion qui permet à l’homme de se construire : « si le schéma corporel 1 est en principe le même pour tous les individus de l’espèce humaine, l’image du corps par contre, est propre à chacun : elle est liée au sujet et à son histoire. ». C’est un concept psychique, il noue les éléments liés à la structuration de notre corps anatomique, de notre être au monde et de notre inconscient.
L’histoire de chacun de nous dépend de l’histoire de nos ancêtres. Cette dernière nous permet de nous construire mais il arrive que cette histoire vienne à manquer : soit en raison d’un exil, ou bien parce que nous avons été forcés d’oublier.
Voilà un point charnière de réflexion situé entre la psychologie et l’histoire des Hommes.

Durant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, quoi de plus naturel pour un pays européen que de partir en quête de terres à travers les mers et les océans. Ces terres conquises, vierges ou habitées, sont les bases arrières d’une stratégie de colonisation. Celle là même qui donna naissance à l’île de la Réunion, lieu d’histoires très récentes, où se sont rencontrés des hommes et des femmes.
La colonisation use de procédés violents dans le but d’imposer le mode de vie du colonisateur : dogme religieux, réglementations, lois, domination. Dans les colonies françaises le Code Noir régissait la traite des esclaves. Ces êtres arrachés à leur terre n’étaient plus des Hommes : « (…) Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. »2 . Ils finissaient par se considérer comme moins que des êtres humains. Ils devenaient des marchandises « la colonisation = chosification »3 , des objets sans âmes, sans esprit, sans conscience.

Ce passé représente un poids dans la transmission intergénérationnelle consciente, ou non, de chaque individu né aujourd’hui de ces terres anciennement colonies. Chacun d’eux doit trouver les pierres qui manquent à sa construction et grâce à elles se reconstruire, connaître sa valeur et croire en lui. Il lui faut savoir qu’il fait partie intégrante et indispensable de l’Humanité.

Migline PAROUMANOU-PAVAN

  1. Se définit comme étant la représentation que chaque individu se fait de son corps, afin de lui permettre de se situer dans l’espace.
  2. Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1950
  3. Ibid.