Visite à la Saline royale d'Arc et Senans
Caroline de Fondaumière, extrait du catalogue d’exposition Bannir le vert à l’Artothèque de La Réunion, 2019.
« Ces espaces verdoyants, ces jardins d’expérimentations visuels, Mounir Allaoui les enracine dans la terre.
L’artiste a fait sien le plan « tatami » du cinéaste Yasujirō Ozu. Les jardins sont surpris au ras du sol, dévoilant une image réduite du monde où la vie s’organise à son propre rythme, tantôt lent, tantôt rapide. Les parties du jardin qui échappent aux travaux du jardinier, les herbes oubliées et les petits animaux, offrent parfois un ballet appliqué, ou encore une activité frénétique, une vie différente, un autre monde ou encore un autre paysage marqué par la liberté, l’imprévu et la fantaisie. Un monde en petit enfoui dans le jardin, lui-même microcosme. Dans sa déambulation, l’artiste s’attarde sur une pierre seulement animée par le fil d’une araignée qui ondule avec les mouvements de l’air (Arc-et-Senans), il fait une pause et ses plans fixes évoquent un tableau, une estampe, une nature morte. Mais déjà la caméra pointe le ciel bleu parsemé de nuages cotonneux tel Le Fuji par temps clair d’Hokusai. Un moment de respiration qu’il puise aussi dans la mémoire des envolées célestes des films de Hayao Miyazaki.
Mounir Allaoui dresse une cartographie des jardins, de ses espaces. Il explore ses dessous, ses dessus et ses marges. Lorsqu’il se place aux abords des bâtiments, il poursuit sa quête spatiale en confrontant le dedans et le dehors, métaphore de l’être et du non être9 . Le jardin se construit à l’image de celui qui l’élabore. Il en est son prolongement. Il requiert une activité souvent mécanisée que le cinéaste observe avec attention et quelque humour. »
Résidence Patrimoine et création hors les murs, Artothèque de La Réunion, 2019.