Tatiana Patchama

MÀJ. 07.03.2024

Terrain vague à usage poétique

Terrain vague à usage poétique, 2015
Installation textile, tissus recyclés, dimensions variables.
Exposition Terrain vague à usage poétique, TÉAT Champ Fleuri, Saint-Denis, La Réunion, 2015.
Photographies © Christophe Fontaine
Collection FRAC Réunion

Photographies © Christophe Fontaine


« (…) Du sol jusque dans les airs, les paysages textiles habitent l’espace d’exposition.
Les paysages textiles sont fabriqués de manière collective (Terrain Vague à Usage Poétique). Au départ, Tatiana Patchama fait un appel au don de vêtements de couleurs vertes. Petite à petit, les donnateur·trice·s se prêtent au jeu du travail d’atelier : déchirer les vêtements, préparer des motifs, coudre, rembourrer, etc. Au fil du temps, l’artiste est entourée d’un groupe de personnes qui manipule les matériaux, discute, échange, partage. La création se fait collective. Ce processus de création collective rappelle le quilting bee aux États-Unis. Cette tradition est née pendant la période esclavagiste, les femmes noires se retrouvaient pour s’entraider, pour coudre ensemble des couvertures (quilts) ou bien des vêtements. Ces réunions ont permis la survie de langues, de chants, de gestes, de traditions issues de leurs cultures respectives. Elles ont aussi permis la mise en œuvre d’évasions. Le quilting bee, aujourd’hui devenu une tradition américaine, représente un espace de liberté, de rencontre, de conversation et de mutualisation des savoir-faire. L’artiste active un même processus pour la réalisation de ses œuvres. Par là, les discussions mènent à une sensibilisation à l’art, à un plaisir d’être ensemble et de construire collectivement une œuvre. Tatiana Patchama pense que, “ comme dans la nature, l’un ne va pas sans l’autre ”. Ielles tissent des paysages hors-norme qui ont réclamé des heures, des jours et des semaines de travail. L’artiste apprécie particulièrement ce rapport étiré au temps qui correspond davantage à celui de la nature. Elle apprivoise aussi les accidents. Les petits gestes répétés engendrent des ruptures qui, pour elle, sont les véritables espaces de création, la part inattendue du projet initial. Le dessin original de l’œuvre se transforme avec “ la part de l’autre ” (…) »

Julie Crenn, extrait de De mains en mains, 2019
Lire le texte complet à la page Repères ou sur le site de l’auteure.


« Le terrain vague est par définition un espace libre et sauvage. Un espace délaissé par l’homme que d’autres espèces investissent pour y déployer leur créativité et leurs talents pour la vie et la diversité. Ce tiers-paysage1 , Tatiana Patchama y est très sensible. Elle s’approprie cet espace en jachère pour y rêver ses formes hybrides, ni minérales, ni animales, ni même végétales. La friche devient pépinière fantastique de créatures étranges. L’artiste imagine un paysage poétique du vivant, un univers merveilleux de couleurs, de formes et de matières. Un jardin extravagant et joyeux. L’installation Terrain vague à usage poétique présentée dans la galerie du Téat Champ-Fleuri, est une œuvre textile imaginée et réalisée en éco-conception, dans une démarche collaborative. »

Béatrice Binoche, 2015

  1. Gilles Clément, Le Manifeste du Tiers-Paysage, éditions Sujet/Objet, 2003.