Déployer ses ailes au-delà du ciel

Par Cathy Cancade

2023

Déployer ses ailes au-delà du ciel, 2021
Installation sonore, volière en bois, feuilles mortes, dimensions variables.
Exposition FESTIFRAC, FRAC Réunion hors les murs, musée Stella Matutina, Saint-Leu, La Réunion, 2021.
Photo © Antonio Prianon

« L’œuvre de Tatiana Patchama est un immense jardin où faune et flore s’entrelacent, se mélangent et finissent par se confondre. Son approche philosophique et scientifique de la nature conduit l’artiste à porter une attention particulière à l’organisation de la vie au-delà du monde humain et sur la manière dont les animaux et les végétaux interagissent avec leur environnement. C’est à partir du prisme de l’oiseau que cette jeune créatrice situe son regard. En s’inspirant du travail de recherche de la philosophe Vinciane Despret pour qui l’habiter métamorphose l’agencement de l’être et de l’espace1 , et empruntant l’idée que le territoire n’est pas une question spatiale mais bien un « espace intensément vécu »2 , Tatiana redéfinit avec beaucoup de subtilité et de finesse ce que peut être le territoire dans l’expression de sa dimension sensible et poétique. Dans un jeu de contrepoints et de points de vue, entre ce qui est visible et ce qui est invisible, l’artiste nous invite à déployer nos ailes au-delà du ciel et à entrer en territoire oiseau. Par son geste créatif, Tatiana Patchama reformule le statut de l’oiseau qu’elle envisage non pas comme objet mais comme sujet doué d’intelligence et d’un langage propre3 , soulignant au passage que la nature n’a pas fini de nous surprendre par sa beauté, sa diversité et qu’elle a encore beaucoup de secrets à nous révéler.

« S’il y a des territoires qui tiennent à être chantés ou, plus précisément, qui ne tiennent qu’à être chantés, s’il y a des territoires qui tiennent à être marqués de la puissance des simulacres de présence, des territoires qui deviennent corps et des corps qui s’étendent en lieux de vie, s’il y a des lieux de vie qui deviennent chants ou des chants qui créent une place, s’il y a des puissances du son et des puissances d’odeurs, il y a sans nul doute quantité d’autres modes d’être de l’habiter qui multiplient les mondes4 . »

Cathy Cancade
Commissaire de l’exposition collective L’art d’habiter comme on fait son nid, FRAC Réunion hors les murs, BU Droit-Lettres, campus du Moufia, Saint-Denis, La Réunion, 2023.

  1. Vinciane Despret, Habiter en oiseau, essai Babel, ed. Actes Sud, 2019, p.124
  2. Jakob Von Uexküll, Mondes Animaux et monde humain, 1956, 1965.
  3. Aliocha Imhoff - Kantuta Quirós, Qui parle ? (pour les non-humains), collection Perspectives critiques, ed. Presses universitaires de France, Paris, 2022, p. 43, en référence à Eva Meijer, When Animals Speak : Toward an Interspecies Democracy, ed. New York University Press, 2019
  4. Vinciane Despret, Habiter en oiseau, essai Babel, ed. Actes Sud, 2019