Kako spent his childhood in the heights of the Réunion Island, surrounded by the omnipresent lushness of nature. From a young age, he developed a keen interest in these surroundings and became particularly fascinated by trees. By observing them, he detected signs, movements, and a surprising form of language. And so trees have become reference figures in his art. In his drawings, paintings and installations, the silhouette of the tree outlines space, reframes the image, and seems to stand between the viewer and the scene that is unfolding behind its branches. The artist uses the analogy of the root system to address the history of the people of the Réunion, which he calls “The New World” because of the forced nature of its cultural mixing. Pushing his investigations further into the Indo-Oceanic region, he manages to convey the sense of poetry and wonder born from the friction between his imagination and the fragments of worlds that have slipped between his roots.

Marie Birot, 2020

Translated by Lucy Pons | Biographical notes translated with the support of the Centre national des arts plastiques - Cnap.

PORTRAIT

L’atelier A : Kako, 2022

Voir l’atelier A sur le site d’Arte Creative

Depuis plus de 15 ans, Kako construit un projet où l’identité est placée au centre de sa réflexion.

Kako envisage sa pratique artistique comme une écriture. Par la peinture, le dessin et la sculpture, il explore la question de son identité. À partir de La Réunion, il explore une zone géographique à la recherche d’archives, de corps (humains et non humains) dont il va répéter les motifs inlassablement pour en traduire les récits aussi poétiques que politiques.

Réalisation Frédéric Ramade
Production ARTE France Studios
Coproduction ADAGP
France, 2022

Biographie

Je suis né en 1963 à Mont-Vert les Hauts, île de La Réunion. Amoureux de la nature, je suis proche de la terre et fasciné par les arbres. Éveillé à la pratique artistique au collège par le professeur d’art, Labor Robert, j’ai découvert la figuration narrative et la figuration libre dans les années 90 en fréquentant la Galerie Mengin où j’ai rencontré notamment Hugh et Sabine Weiss, Erro, Hervé Dirosa, Peter Klasen … Sur mes premières toiles, les arbres s’imposent, troncs dénudés derrière lesquels apparaissent des scènes de vie. L’exposition Étadam en 2000, en duo avec Nathalie M, et le livre édité à cette occasion révèlent ce jeu subtil. Jeu de cache-cache ou distanciation, l’Arbre s’interpose entre le spectateur et des instantanés de la vie quotidienne ou de scènes inspirées de la mythologie, comme dans la série bleue de 2006. Mon travail s’enrichit de la rencontre avec l’artiste américain Hugh Weiss, dont la peinture onirique propose des voyages imaginaires dans le monde réel du rêve.
L’image de l’Arbre continue à occuper une place centrale dans ma recherche artistique. Arbre généalogique, Arbre à palabres, Arbre de la liberté, Arbre sacré … forêt de symboles. En 2008, j’introduis la photo dans son travail. Ainsi inséré dans des tirages photo, l’arbre met en évidence les contradictions de la mémoire image et du temps. L’Arbre naît, vit et perdure, personnage immobile, soulignant la schizophrénie de nos vies modernes. C’est ainsi que naît la série 7 jours à New York. En 2009, ma rencontre avec Hervé Di Rosa, l’un des principaux artisans de la Figuration libre, avec qui je noue des relations amicales, influencera ma recherche plastique. Je m’interroge alors sur l’idée d’un Nouveau Monde né récemment de la fusion forcée d’origines diverses, sur la construction de l’identité issue de métissage multiple …
Fil conducteur de mes créations, l’Arbre est aujourd’hui au cœur du Tour des origines d’un nouveau monde. Depuis 2010, j’ai en effet entrepris une réflexion autour des contrées racines d’un nouveau monde, qui peut être La Réunion ou un monde demain. Reprenant l’expression du philosophe Emanuele Coccia selon laquelle « il n’y a rien de purement humain, il y a du végétal dans tout ce qui est humain, il y a l’arbre à l’origine de toute expérience », je développe une recherche autour de l’identité multiple et nos différentes appartenances. J’explore ainsi la question écologique et la place de l’homme au sein du monde vivant, développant autour de l’Arbre une réflexion esthétique, poétique et personnelle sur la relation entre les hommes et la nature. L’Arbre devient présence physique de notre rapport au monde, symbole du lien entre le réel et notre imaginaire et ouvre l’espace pour ce que Wilhiam Zitte a nommé l’Artgénéalogie.
Mon travail prend racine dans l’espace indo-océanique.
Par ailleurs j’ai démarré, en collaboration avec l’artiste Stéphane Kenkle, un projet « d’art-griculture » écologique sur une parcelle de 6 ha. L’idée étant de contribuer à la « re-colonisation » de l’espace par la nature, et de redonner à celle-ci et donc aux arbres, la place que l’anthropocentrisme leur a enlevé.

Kako, 2020

La Kour Madame Henry

Planter serait génial

« Nous avons besoin de vivre dans des petites oasis de vie et de fraternité. » (E. Morin)

Naître dans une île-oasis, c’est naître dans un rapport concret au vivant même si ce rapport nous est invisible car nous n’avons jamais pensé la nature comme une chose et nous autre chose. Le « piédbwa » (Kako) et la liane verte (Kenkle) ont ainsi commencé et continuent à parcourir nos « tableaux » à la manière de biographèmes, ces détails de vie à la genèse de la création.
Notre projet de planter a surgi lors d’une ballade sur le terrain de Kako. Et renouer avec la terre a d’emblée signifié se nouer à la terre pour redonner place à la forêt primaire et à son imaginaire fantastique.
Moi Kako, j’ai grandi dans la forêt et dans les réalités agricoles, près du « ti jardin » d’un voisin maraîcher. Ses planches végétales colorées m’émerveillent et je me rêve alors agriculteur, dénommant, dépeignant les plantes et pieds de bois. Une expérience dans le modernisme productiviste me révèle le non-sens de l’orientation capitalisante de notre monde.
Moi Kenkle, je re-découvre le sens magique de l’île par des poètes, peintres et botanistes. Au détour d’un sentier de Mafate, la rencontre d’un planteur qui m’offre des « ti mélanz » de semences, garants de notre diversité , est celle d’un être en symbiose poétique avec la nature. Il voit dans les affleurements de terre des « horizons » et je suis subjugué par cette imprégnation atmosphérique et céleste dans le souterrain.
Nous avons donné notre premier « coup de pioche » en janvier 2019 en projetant la forêt et le jardin ensemble. Notre intention n’est pas de sanctuariser la nature mais cultiver notre jardin et regarder croître tous ces verts différents.

Kako et Stéphane Kenkle
Catalogue de l’exposition collective Mutual Core, commissariat Julie Crenn, Artothèque de La Réunion, 2021.

Resources and critical texts