Les conséquences migratoires et identitaires sont parmi mes préoccupations.
Descendante d’immigrés, je migre à mon tour avec ma famille. Mon parcours est à l’origine de mon travail. Née à l’île Maurice, j’ai passé toute mon enfance au Congo-Brazzaville. À l’âge de dix ans j’ai été contrainte de quitter ce territoire à cause d’une guerre civile, un retour brutal dans ce lieu de naissance. Tout laisser pour tout recommencer dans un pays qui m’était totalement étranger et dans l’obligation de m’adapter, je dirais même de m’intégrer, dans mon propre pays. Désapprendre pour réapprendre les normes, les valeurs, les cultures dont les langues de ce nouveau lieu d’accueil.
Je questionne la posture du migrant dans son processus d’intégration, que je traite principalement en vidéo-performance. Je mets en place un protocole, celui de confronter mon corps à l’espace et ses obstacles. Ces espaces sont (…) des lieux de transition où l’on fait une pause, où l’on se retrouve nu avant de se confronter, à nouveau, à l’inconnu. (…) Le corps se positionne dans un cadre qu’il s’est choisi et se met en jeu dans sa force et sa fragilité. Il éprouve sa qualité de sujet dans un sas où il ne fait que passer, à travers des postures et des gestes.
En 2017, influencée par ma deuxième grossesse dans un pays d’émigration avec ma famille, (à l’île de La Réunion), une autre branche de ma recherche s’est ouverte. Cet état a nourri en moi d’autres questionnements, avec ce parcours de migrante, qu’allais-je transmettre à cet enfant, quelle histoire, quelle mémoire, quel héritage culturel, quelles traditions ? Ayant moi-même des questionnements identitaires, le fait de me sentir étrangère partout où je vais et ce, même dans mon pays d’origine.
Actuellement c’est à l’aide du médium vidéo et du son que cette nouvelle partie de mon travail soulève les questions de la transmission et du langage. Le langage qui fait partie du processus d’intégration mais aussi de moyen de transmission.
Mes vidéos traitent du manque de transmission générationnelle et notamment chez les familles de migrants. Dont les enfants finissent peu à peu par perdre l’usage de leur langue maternelle et d’une partie de leur tradition et culture d’origine. Mettant ainsi progressivement fin à la richesse de la diversité culturelle à l’instar d’une culture mondialisée, uniformisée. Dans cette parenthèse, je mets en scène des personnages en confrontation par le langage oral et gestuel, et c’est par leurs interrogations, incompréhensions, hésitations, silences, dans les gestes saccadés, et dans les sens différents des mouvements de mes personnages que je conceptualise le lien rompu de la transmission.
KMVH