Catherine Boyer

MÀJ. 20.06.2025

Par le dessin et la sculpture, Catherine Boyer engage son histoire et son expérience personnelle pour nous livrer une relation sensible, sensuelle et sensorielle avec les fleurs, les végétaux, le vent, les minéraux, les insectes ou encore les bactéries. Au début des années 2000, elle commence une série de dessins réalisés à la mine graphite. Elle y représente des fleurs d’orchidées d’abord sur des petits formats, puis de très grands formats. Elle s’identifie aux fleurs : “ je suis une orchidée, je suis hermaphrodite ”. Les fleurs sont les autoportraits d’une artiste en colère contre le patriarcat. D’un corps qui se suffit à lui-même et qui refuse toute forme de domination. Peu à peu, la tresse de cheveux s’entremêle aux éléments végétaux et minéraux. Telle une liane, elle relie les corps, humains et non humains, elle est le rhizome d’une interdépendance sensible et consciente. Par elle, Catherine Boyer déploie une esthétique où son propre corps n’est jamais pensé d’une manière séparée de son écosystème - autrement dit du lieu qu’il l’habite. Elle est à l’écoute de son corps et du milieu par lequel il est affecté au quotidien. Alors, le vivant de l’île trouve une place fondamentale au creux de sa réflexion et de sa démarche plastique. Du microscopique au cosmique, d’une cellule à une fleur d’orchidées, les corps et leurs échelles s’entrelacent et forment de nouveaux êtres. (…)

Julie Crenn, 2022

TECHNIQUES ET MATÉRIAUX

Dessin
Peinture
Sculpture
Modelage
Installation
Vidéo
Assemblage
Céramique
Cire d’abeille

CHAMPS DE RÉFÉRENCE

Botanique
Agroécologie
Science
Littérature
Philosophie
Contes
Fiction
Musique
Cinéma

MOTS CLÉS

Illéité
Féminisme
Paysage
Érotisme
Frontières
Flux
Sédimentation
Transitions
Indianocéanique

ARTISTES

Eva Hesse
Georgia O’Keeffe
Ghada Amer
Louise Bourgeois
Odilon Redon
Raoul Ubac
Zhang Chun Hong
Collection Qubo Gas
Eric Speers

MOUVEMENTS ARTISTIQUES

Symbolisme
Onirisme
Abstraction figurale

LIVRES

La présence des fleurs dans l’œuvre de :
Charles Baudelaire, Les fleurs du Mal, édition Poulet-Malassis et de Broise, 1857
Jean Genet, Notre-Dame-des-Fleurs, éditions Gallimard, 1976
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Gallimard, 1913-1927
Arthur Rimbaud, Les illuminations, éditions Vanier, 1895
Pierre de Ronsard, Livret de folastries, éditions Janot parisien, 1553

La défloration dans l’œuvre de :
James Joyce, Ulysses, éditions Shakespeare & Compagny, 1922

Hannah Arendt, La crise de la culture, éditions Gallimard, 1972
Kamel Daoud, Le peintre dévorant la femme, Virgule éditions, 2021
Umberto Eco, La guerre du faux, éditions Grasset et Fasquelle, 1985
Christiane Fauvre-Vaccaro, Paysages fertiles : moques, fanjans, cours et parterres, éditions École des Beaux-Arts de La Réunion, 2006
Aude-Emmanuelle Hoareau, Manifeste pour une pensée créole réunionnaise, édition Cercle philosophique réunionnais, 2011
Armand Mattelart, Diversité culturelle et mondialisation, 3è ed., éditions La découverte, 2017
Thomas McEvilley, L’identité culturelle en crise - Art et différences à l’époque postmoderne et postcoloniale, éditions Jacqueline Chambon, 1992
Yves Michaud, L’art à l’état gazeux - Essai sur le triomphe de l’esthétique, éditions Stock, 2003
Nelly Schmidt, Histoire du métissage, éditions de La Martinière, 2003
Abnousse Shalmani, J’ai péché, péché dans le plaisir, éditions Grasset, 2024
Peter Silvermann, La princesse perdue de Léonard de Vinci, Télémaque éditions, 2012
Philippe Sollers, Fleurs : le grand roman de l’érotisme floral, éditions Hermann, 2006
Philippe Sollers, Femmes, éditions Gallimard, 1983
Odilon Redon - Le ciel, la terre, la mer, Éditions Réunion des musées nationaux, musée Léon Dierx, 2007

FILMS

Coline Serreau, La Belle Verte, 1996
Chico Xavier, Les mères, 2011

CITATIONS

« Le monde appartient aux femmes, il n’y a que des femmes, et depuis toujours elles le savent et elles ne le savent pas, elles ne peuvent pas le savoir vraiment, elles le sentent, elles le pressentent, ça s’organise comme ça. Les hommes ? Écume, faux dirigeants, faux prêtres, penseurs approximatifs, insectes. Gestionnaires abusés… Muscles trompeurs, énergie substituée, déléguée… Je vais tenter de raconter comment et pourquoi. Si ma main me suit, si mon bras ne tombe pas de lui-même, si je ne meurs pas d’accablement en cours de route, si j’arrive surtout à me persuader que cette révélation s’adresse à quelqu’un alors que je suis presque sûr qu’elle ne peut atteindre personne… »

Philippe Sollers, Femmes, édition Gallimard, 1983

« Je suis un ” Arabe ” invité à passer une nuit dans le musée Picasso à Paris, un octobre au ciel mauvais pour le Méditerranéen que je suis. Une nuit, seul, en enfant gâté mais en témoin d’une confrontation possible, désirée, concoctée. J’appréhendais l’ennuie cependant, ou l’impuissance.
Pour comprendre Picasso, il faut être un enfant du vers, pas du verset. Venir de cette culture-là, sous la pierre de ce palais du sel, dans ce musée, pas d’une autre. Pourtant la nuit fut pleine de révélations : sur le meurtre qui peut être au cœur de l’amour, sur ce cannibalisme passionné auquel l’orgasme sursoit, sur les miens face à l’image et le temps, sur l’attentat absolu, sur Picasso et son désespoir érotique. »

Kamel Daoud, Le peintre dévorant la femme, éditions Stock, 2021

« La femme qu’habite une vie plus spontanée, plus féconde, plus confiante, est sans doute plus mure, plus près de l’humain que l’homme, - le male prétentieux et impatient, qui ignore la valeur de ce qu’il croit aimer, parce qu’il ne tient pas aux profondeurs de la vie, comme la femme, par le fruit de ses entrailles. Cette humanité qu’a murie la femme dans la douleur et dans l’humiliation verra le jour quand la femme aura fait tomber les chaines de sa condition sociale. Et les hommes qui ne sentent pas venir ce jour seront surpris et vaincus. Un jour… la jeune fille sera ; la femme sera. Et ces mots ” jeune fille “, ” femme “, ne signifient plus seulement le contraire du male, mais quelque chose de propre, valant en soi-même : non point un simple complément, mais une forme complète de la vie : la femme dans sa véritable humanité. Un tel progrès transformera la vie amoureuse aujourd’hui si pleine d’erreurs. L’amour ne sera plus le commerce d’un homme et d’une femme, mais celui d’une humanité avec une autre. Plus près de l’humain, il sera infiniment délicat et plein d’égard, bon et clair dans toutes les choses qu’il noue ou dénoue. Il sera cet amour que nous préparons, en luttant durement : deux solitudes se protégeant, se complétant, se limitant, et s’inclinant l’une devant l’autre. »

Rainer Maria Rilke, Lettre à un jeune poète, correspondance avec Kappus, éditions Insel-Verlag, 1929

« Je l’ai poussé à me demander en mariage oui d’abord je lui ai donné le morceau de gâteau à l’anis que j’avais dans la bouche et c’était une année bissextile comme maintenant oui il y a seize ans mon dieu après ce long baiser je pouvais presque plus respirer oui il a dit que j’étais une fleur de la montagne oui c’est ça nous sommes toutes des fleurs le corps d’une femme oui voilà une chose qu’il a dite dans sa vie qui est vraie et le soleil c’est pour toi qu’il brille aujourd’hui oui c’est pour ça qu’il me plaisait parce que j’ai bien vu qu’il comprenait qu’il ressentait ce que c’était qu’une femme et je savais que je pourrais toujours en faire ce que je voudrais alors je lui ai donné tout le plaisir que j’ai pu jusqu’à ce que je l’amène à me demander de dire oui et au début je voulais pas répondre je faisais que regarder la mer le ciel je pensais à tant de choses qu’il ignorait à Mulvey à Monsieur Stanhope à Hester à père au vieux capitaine Graves et aux marins qui jouaient au poker menteur et au pouilleux déshabillé comme ils appelaient ça sur la jetée et à la sentinelle devant la maison du gouverneur avec le truc autour de son casque blanc pauvre vieux tout rôti et aux petites Espagnoles qui riaient avec leurs châles et leurs grands peignes et aux ventes aux enchères le matin les Grecs les juifs les Arabes et dieu sait qui d’autre encore des gens de tous les coins de l’Europe et Duke Street et le marché aux volailles toutes gloussantes devant chez Larby Sharon et les pauvres ânes qui trébuchaient à moitié endormis les vagues gens qui dormaient dans leurs manteaux à l’ombre sur les marches les grandes roues des chars de taureaux et le vieux château vieux de milliers d’années oui et ces Maures si beaux tout en blanc avec leurs turbans comme des rois qui vous invitaient à vous asseoir dans leurs toutes petites boutiques Ronda et leurs vieilles fenêtres des posadas 2 yeux brillants cachés dans un treillis pour que son amant embrasse les barreaux et les cabarets entrouverts la nuit et les castagnettes et le soir où on a raté le bateau à Algésiras le veilleur qui faisait sa ronde serein avec sa lampe et O ce torrent effrayant tout au fond O et la mer la mer cramoisie quelquefois comme du feu et les couchers de soleil en gloire et les figuiers dans les jardins d’Alameda oui et toutes les drôles de petites ruelles les maisons roses bleues jaunes et les roseraies les jasmins les géraniums les cactus et Gibraltar quand j’étais jeune une fleur de la montagne oui quand j’ai mis la rose dans mes cheveux comme le faisaient les Andalouses ou devrais-je en mettre une rouge oui et comment il m’a embrassée sous le mur des Maures et j’ai pensé bon autant lui qu’un autre et puis j’ai demandé avec mes yeux qu’il me demande encore oui et puis il m’a demandé si je voulais oui de dire oui ma fleur de la montagne et d’abord je l’ai entouré de mes bras oui et je l’ai attiré tout contre moi comme ça il pouvait sentir tous mes seins mon odeur oui et son cœur battait comme un fou et oui j’ai dit oui je veux Oui. »

James Joyce, oui, j’ai dit oui, je veux Oui, monologue de Molly Bloom
In : Ulysse, édition Shakespeare and Company, 1922

Ressources et textes critiques