Migline Paroumanou

MÀJ. 07.08.2023

An bourzon maron

An bourzon maron, 2021
Installations, performance et intervention in situ.
Exposition collective La sagesse des lianes, commissariat Dénètem Touam Bona, CIAP Vassivière, 2021.

An bourzon maron, 2021
Intervention in situ, grès, porcelaine, ruban, accompagnée d’une performance filmée.
Cette intervention restera visible jusqu’en janvier 2024.

Photographies © Gaëlle Deleflie

An bourzon maron, 2021
Extrait. Performance, 25 min.
Avant l’arrivée du public, dans le cadre de l’exposition collective La sagesse des lianes.
Accompagnement musical Jean-Luc Raharimanana
Image et son Jack Beng-Thi, Florans Feliks
Montage Nathalie Vindevogel
Traces de la performance
Photographie © Gaëlle Deleflie

An bourzon maron, 2021
Installation, branches glanées in situ, grès, porcelaine.

Voir aussi Legacy


An bourzon maron, 2021
Installation, branches glanées in situ, grès, porcelaine.

« J’ai installé des têtes en céramique, grès et porcelaine, dans 3 beaux sapins.
J’y ai aussi noué des rubans de toutes les couleurs, pour égayer et marquer le lieu.

L’arbre est symbole de vie.
J’y fais bourgeonner des têtes de marrons (esclaves en fuite) qui ont été décapités1 , pour qu’ils puissent renaître d’une branche.

Mon intervention les ramène dans notre réalité. Ils renaissent, ils bourgeonnent aux branches. La nature qui les a abrités2 les accueille à nouveau. Les rubans de couleurs annoncent un climat joyeux et festif de renouveau.

Dans nos traditions et croyances religieuses indo-océaniques, les morts reçoivent souvent des rituels venant des vivants. On leur fait des offrandes et honore leur mémoire. C’est un rite commun à beaucoup de pratiques, malgache, indienne, animiste.

Lors d’une installation, je fais rituellement offrande de mon œuvre au lieu qui l’accueille (ici pour demander aux arbres d’accueillir « ces bourgeons marrons ») mais cette performance rituelle sacralise aussi l’offrande, elle permet de célébrer l’ancêtre, les ancêtres marrons, de célébrer la nature, la vie.

La performance est pour moi un moyen d’activer l’œuvre. C’est un moment intime avec les personnes présentes avant l’arrivée du public. Ici j’étais accompagnée par Jean-Luc Raharimanana, écrivain et artiste, qui improvisait en direct.
La musique me permet de m’immerger rapidement dans ma performance, elle m’accompagne si bien…

Je danse depuis que je marche. Il m’arrive encore de danser des heures et d’oublier le temps. Mes expériences les plus fortes se passent lorsque les musiciens et les instruments sont présents. C’est une rencontre entre le lieu, les musiciens, les instruments, les vibrations, la musique et moi. Nos énergies fusionnent. Elles fusionnent encore plus, lors des événements culturels appelés kabar à La Réunion.
Ce moment de partage entre musique, proclamation de textes poétiques et danse se vit intensément. Le kabar a pour source les cérémonies malgaches appelées sèrvis kabaré qui rendent hommage aux ancêtres à travers le rituel et le rythme du Maloya. Cette musique me prend au corps. Je me connecte aux vibrations des tambours. Tout doucement, je rentre dans la danse comme si j’allais ailleurs et restais au même endroit en même temps. C’est étrange, mais c’est ainsi. Je me sens totalement à l’intérieur de mon corps comme si ce lieu était vaste et immense. En même temps, il occupe tout l’espace à l’extérieur de moi. Ma danse devient offrande. Je deviens offrande.

Même en position d’offrande, l’artiste ne contrôle pas tout. Rien n’est totalement défini à l’avance. Je suis mon intuition. Le mouvement s’invente dans l’instant présent, dans une cocréation avec le visible et l’invisible. J’entre dans un état méditatif, presque de transe. Son caractère spontané, non prévisible et ce besoin irrépressible de m’exprimer échappent à toute explication rationnelle.

La poésie chorégraphique de ces actes et gestes participe au rituel et les traces qu’ils laissent font pour moi partie intégrante de l’installation. »

Migline Paroumanou

  1. Décapitation des chefs marrons suite à la révolte de Saint-Leu en 1811 à l’île de La Réunion
  2. Les esclaves en fuite trouvaient refuge au centre de l’île, dans les hauts