Planter serait génial
« Nous avons besoin de vivre dans des petites oasis de vie et de fraternité. » (E. Morin)
Naître dans une île-oasis, c’est naître dans un rapport concret au vivant même si ce rapport nous est invisible car nous n’avons jamais pensé la nature comme une chose et nous autre chose. Le « piédbwa » (Kako) et la liane verte (Kenkle) ont ainsi commencé et continuent à parcourir nos « tableaux » à la manière de biographèmes, ces détails de vie à la genèse de la création.
Notre projet de planter a surgi lors d’une balade sur le terrain de Kako. Et renouer avec la terre a d’emblée signifié se nouer à la terre pour redonner place à la forêt primaire et à son imaginaire fantastique.
Moi Kako, j’ai grandi dans la forêt et dans les réalités agricoles, près du « ti jardin » d’un voisin maraîcher. Ses planches végétales colorées m’émerveillent et je me rêve alors agriculteur, dénommant, dépeignant les plantes et pieds de bois. Une expérience dans le modernisme productiviste me révèle le non-sens de l’orientation capitalisante de notre monde.
Moi Kenkle, je re-découvre le sens magique de l’île par des poètes, peintres et botanistes. Au détour d’un sentier de Mafate, la rencontre d’un planteur qui m’offre des « ti mélanz » de semences, garants de notre diversité, est celle d’un être en symbiose poétique avec la nature. Il voit dans les affleurements de terre des « horizons » et je suis subjugué par cette imprégnation atmosphérique et céleste dans le souterrain.
Nous avons donné notre premier « coup de pioche » en janvier 2019 en projetant la forêt et le jardin ensemble. Notre intention n’est pas de sanctuariser la nature mais cultiver notre jardin et regarder croître tous ces verts différents.
Kako et Stéphane Kenkle
Catalogue de l’exposition collective Mutual Core, commissariat Julie Crenn, Artothèque de La Réunion, 2021.