Ce qui travaille, ce n’est pas Boogie, ni Kid, c’est l’esperluette, l’& entre Kid&Boogie. On croirait à peu : et, èk, and, mais c’est elle qui grandit et envahit la scène de la signature, comme un logogramme familièrement étranger, un elohim, à la source du mot hébreu : « celui-qui-est-plusieurs », ou, comme le propose André Chouraqui, « celui-qui-sont ». Ainsi, celui-qui-sont Kid&Boogie pratique un art qui emprunte, en apparence, ses codes à la culture populaire contemporaine : science-fiction, fantasy, bande dessinée, personnages récurrents du street art, équivalant à une signature : sinon que ceux qui signent ici, ce ne sont pas les artistes, ni leur pseudonyme, mais bien les âmes errantes et intimes qui hantent les rues, les ancêtres rêvés qui provoquent leurs rituels plastiques au coin d’un mur — n’ayons l’air de rien. Et de même, cette texture de l’art populaire à l’ère mondialisée se trouve redoublée, et comme démasquée par une charge symbolique, un rituel, un poids invisible, une inquiétude des signes et des présences.
Nicolas Gérodou, Celui-qui-sont, 2023.