Térésa Small
Réalisé par Maëva Thurel
Production Documents d’artistes La Réunion
Avec le soutien du Fond Réunion des Talents
10 min 32 s
novembre 2024
MÀJ. 03.12.2024
Avec l’enfant en colère, avec Ravel et Colette, avec Judith et Barbe-Bleue, avec Béla Bartók, Andersen et L’homme-paysage, avec toutes ces images de femmes épinglées sur ses murs, Térésa Small compose autour d’elle des constellations de relations tenues par des liens singuliers et transhistoriques, qui lui sont propres. Ce travail est le fruit d’un syncrétisme entre les registres, les techniques, les âges de la vie. Térésa Small n’a pas appris le textile aux Beaux-Arts, puisqu’il n’y était pas enseigné, sans doute trop mineur, trop féminin, trop artisanal. Mais le textile a toujours été son médium, et par là le travail de la couleur autant que la trace du geste. Le choix de cette technique, à mi-chemin entre peinture et installation, manifeste la détermination d’une femme qui refuse les hiérarchies instituées entre les arts dits majeurs et les arts dits mineurs, ancrés dans une localité, des pratiques collectives, dans les plis d’une vie. Si longtemps cantonnée à la sphère domestique et aux arts décoratifs, la couture se défait de ces préjugés pour retrouver aujourd’hui la possibilité d’être regardée pour ce qu’elle est : un art fait de durée, fabriqué de couches ; une pratique quotidienne, domestique, aux caractéristiques féminines. Cette pratique modeste, est chez Térésa Small faite de concentration et de rêveries, d’imaginaires enchantés. Dans ce monde fragile, le réel perce dans la matérialité du tissu décousu, dans la fragilité de certains habits anciens, des lignes instables, dans la lisibilité de la technique et du fait main. On perçoit la sédimentation des durées propres à chaque couche de tissus dans ces montages, on perçoit la valeur sentimentale qui peut se loger dans les tissus, broderies de famille qui sont passées de main en main, de corps en corps. Térésa Small construit un monde d’une intimité douce, un itinéraire solitaire marqué par une conversation silencieuse et continue avec ces constellations d’amies et de paires.
Émilie Renard
Réalisé par Maëva Thurel
Production Documents d’artistes La Réunion
Avec le soutien du Fond Réunion des Talents
10 min 32 s
novembre 2024
TECHNIQUES ET MATÉRIAUX
Couture
Broderie
Appliqué
Tissage
Tressage
Teinture
Découpage
Dessin
Peinture à l’eau
Gravure
Modelage
Traces
Empreintes
Écriture
Chant
Textiles naturels (soie, lin, coton)
Papiers
Épices
Végétaux
Minéraux
Terre
Fils
Ficelles
Fibres
Cheveux
Rubans
Dentelles
Perles
Bijoux
Reliques
MOTS CLÉS
Mémoire
Femmes
Filles
Enfance
Histoires (stories)
Poésie
Costumes
Le temps (qui passe)
Archéologie
MOUVEMENTS ARTISTIQUES
Arts populaires d’Amérique
Art médiéval
Art moderne
Art brut
Bauhaus
Expressionisme
MUSIQUE
Béla Bartók, Le Château de Barbe-Bleue, 1918
Maurice Ravel, L’Enfant et les sortilèges, 1925
ARTISTES
Carl Blossfeldt
Louise Bourgeois
Christo et Jeanne-Claude
Asger Jorn
Annette Messager
Edvard Munch
Emil Nolde
Alberto Quintanilla
ILLUSTRATEURS
Quentin Blake
Piet Hein
Richard Scarry
Sempé
ŒUVRES
Le ballet triadique d’Oskar Schlemmer
Le cirque de Calder
La tapisserie de Bayeux
LIVRES
Karen Blixen, Le festin de Babette, 1950
Tracy Chevalier
La jeune fille à la perle, éditions HarperCollins, 1999
Prodigieuses créatures, éditions Gallimard, 2011
La dernière fugitive, éditions Dutton Penguin, 2013
La brodeuse de Winchester, éditions de la Table Ronde, 2019
Jean-Michel Guenassia, La valse des arbres et du ciel, éditions Albin Michel, 2016
Haruki Murakami, La ballade de l’impossible, éditions Belfond, 1987
Patti Smith
M Train, éditions Gallimard, 2015
Just kids, éditions Denoël, 2010
La mer de corail, éditions Tristram, 1996
Émile Zola
La joie de vivre, éditions G. Charpentier, 1884
L’Œuvre, éditions G. Charpentier, 1886
Le rêve, éditions G. Charpentier, 1888
Madame de Beaumont, Les nouveaux contes moraux
La comtesse de Ségur, Les nouveaux contes de fées, 1857
Hans Christian Andersen, Contes
Marcel Aymé, Les contes du chat perché
Ernst Gombrich, Histoire de l’art, éditions Phaidon, 1950
Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Le dictionnaire des symboles, éditions Robert Lafont, 1969
Johannes Itten, L’art de la couleur, éditions Dessain et Tolra, 1967
Magdalena Droste, Le Bauhaus : 1919-1933, éditions Taschen, 1990
FILMS
Jean Cocteau, La belle et la Bête, 1946
Walt Disney, Snow White, 1937
Pour arriver chez Térésa Small, on a pris la N3 qui passe par l’intérieur de l’île de La Réunion pour la traverser du Sud au Nord, c’est-à-dire qu’on est parties du niveau de la mer pour le retrouver de l’autre côté en passant par des hauteurs1 . Cette route est plus sinueuse, plus longue, plus belle aussi. Installée à l’arrière, j’observe les yeux mi-clos le soleil se lever sur ce paysage de crêtes et de ravines tapissé d’une forêt de fanjans…
Allons au lointain, commençons à bas bruits pour écrire sur le fil d’une série d’œuvre. C’est la moindre des choses pour s’approcher et peut-être saisir une ou deux idées justes à propos des créations de Térésa Small. Ne nous agitons pas et prenons la plus ancienne photographie qu’elle a bien voulu nous montrer.
Les matériaux de prédilection de Térésa Small - costumière ayant travaillé pour la compagnie Vollard notamment - sont le tissu, la teinture, le fil, l’aiguille. L’autre matière première est le mot, les mots qu’elle revendique comme fondamentaux dans sa pratique. L’exposition est ainsi constituée de deux séries où se croisent, se parlent, se nourrissent ces deux nécessités chez elle.
J’illustre le conte, puis j’invente la suite de l’histoire. Je crée des liens entre le roi Henri VIII et Barbe Bleue en brodant les demeures de leurs nombreuses femmes. Je construis un théâtre miniature dans lequel je mets en scène les personnages de l’histoire dans un décor de tulle et de papier. Je réalise mon premier costume, celui de Judith…
C’est aussi de la terre que Térésa Small retire les vêtements étranges qu’elle nous propose, de la gangue protectrice de quelque tourbière nordique qui les aurait conservés passés, mais intacts et merveilleux à nos yeux.
Il y a quelque chose d’attachant dans ces travaux de couture patiente consacrés entièrement à recoller, à marier, à “rapyésté” toutes sortes de morceaux, non pas pour reconstituer l’unique, la figure centrée, mais une figure de la multiplicité, ouverte, connectable. Il y a quelque chose de troublant dans cette résistance aux injonctions de l’immédiat survalorisé disqualifiant la constance : la patience, la lenteur, qui sait aussi être dextérité de l’aiguille, vivacité et rapidité de l’instant, mais qui se coule dans la durée, l’immensité du temps.